De Yokohama, notre point de départ, jusqu'à Nagoya, et en dépit de variations de densité, la ville ne semble jamais s'arrêter. Nous changeons pour un train régional qui se faufile discrètement entre petites rizières, maisons de bois à l'architecture traditionnelle, qui n'est pas sans rappeler les pagodes, et appartements construits en dur au design plus occidental. Nous voici arrivés à Ise, ville sainte du shintoïsme s'il en est. Sous un beau soleil, nous partons à la découverte de Geku, qu'on pourrait qualifier de temple secondaire au service du temple principal, Naiku, que nous visiterons le lendemain. Perdus dans une végétation encore une fois magnifique, sous la voute formée par les branches d'arbres immenses et majestueux, les temples et autels rayonnent d'une simplicité où minéral et végétal sont utilisés sous forme brute. En ces lieux, le regard, et donc l'esprit, ne sont pas accaparés par la beauté des ors et des peintures. Il émane ainsi de l'endroit une beauté et un calme apaisants et ce ne sont pas les quelques minutes passées en silence au bord du lac en forme de magatama qui me feront mentir.
Où se fera notre première nuit hors de Tokyo? Ni plus, ni moins que dans un ryokan, un hôtel traditionnel de luxe, situé en bord de mer. Une petite folie que nous tenions à faire à l'occasion de ce séjour. Si l'extérieur du bâtiment est assurément moderne, les chambres, spacieuses et confortables, sont aménagées dans le style d'antan. Que faire dans un ryokan? Bien manger et prendre des bains, ce qui, entre parenthèses, génère le dialogue suivant avec mon camarade japonais, au moment du choix des chambres:
Lui: Cette chambre-ci a la plus belle vue. On vous la laisse.
Moi: Merci mais... elle n'a pas de douche?
Lui: Et alors? Tu n'as pas besoin de douche puisqu'il y a les onsen!
Moi: Ah... oui... suis-je bête...
Nous enfilons les yukata prêtés par l'hôtel et nous revoici donc parti pour une séance de naturisme! Le petit tabouret en bois, la douche, la bassine... c'est bon, je maîtrise. Tiens? Une bouteille verte et une bouteille violette? Après quelques tests non concluants, je décide de me savonner énergiquement avec le liquide de la bouteille violette. Une fois récuré, direction le bassin. Je demande à mon ami: "Au fait, la bouteille violette, c'était le gel douche ou le shampoing?". Réponse; le shampoing. Forcément. Enfin, je ne boude pas mon plaisir - tant pis s'il y a des grincheux réticents à partager leur eau avec un gaijin - et je profite de ce bain chaud face à la mer, dont il n'est séparé que par quelques rochers et un petit sentier. Ledit sentier oblige du coup le bassin des femmes a être muni d'une barrière en plexiglas qui leur gâche la vue. Dommage mesdames, la préservation de votre intimité est à ce prix.
Il faut noter un petit incident survenu à notre arrivée. Il semblerait en effet qu'il y ait eu une erreur de date, de notre fait, concernant la réservation, mais la situation est vite réglée. On conviendra donc bien que nous sommes en tort, n'est-ce pas? C'est important à noter car, alors que nous nous dirigeons vers une grande pièce privative où déguster notre dîner, l'hôtel décide ni plus ni moins que de nous offrir le repas haut de gamme pour le prix du moyen de gamme que nous avions commandé. Attendez, attendez... Nous sommes en tort, mais c'est le ryokan qui nous offre une compensation pour nous faire oublier cette petite contrariété?!? Ces Japonais sont fous! Peut-on avoir sens du service plus exacerbé?...
Il faut voir le festin qui nous attend! Les photos seront, je l'espère, suffisamment parlantes, d'autant plus que le vocabulaire risque ici de me manquer. A noter que, la serveuse/femme de chambre qui nous est attitrée pour la durée de notre séjour, s'occupe d'un petit grill à une extrémité de la table, où elle fait cuire des crustacés et langoustines encore vivants... La partie occidentale de notre équipe détourne pudiquement les yeux devant cette cuisine cruelle. L'obsession japonaise de la fraicheur des aliments touche ici à son paroxysme. On se régale trop pour se lancer dans une remise en question, malvenue, des traditions locales. Nos ventres sont sur le point d'exploser lorsque nous regagnons nos chambres où les futons ont été déployés sur les tatamis.
La femme de chambre passe rapidement apporter une théière pour la nuit, tout en me racontant sans doute un paquet de choses très intéressantes mais donc je ne saisis goutte puisqu'elle me parle en japonais. Interdit et un peu flippé, j'en oublie la leçon de base et donc les trois termes à retenir:
1/ Lorsqu'on s'adresse à vous, il faut ponctuer les phrases de son interlocuteur d'un "hai".
2/ Lorsqu'on vous donne ou fait quelque-chose pour vous: "sumimasen".
3/ Lorsque la conversation (sic) s'achève, la conclure d'un "arigato gozaimasu".
Avec ça, tout occidental peut survivre à n'importe-quel échange avec un Japonais et celui-ci sera ravi d'avoir pu servir son laïus dans sa langue maternelle, avec toutes les formules de politesse et déclinaisons verbales honorifiques qui vont bien.
Avant de s'endormir, nous jetons un œil à la télévision japonaise. Comme d'habitude, les émissions se partagent entre divertissements où des célébrités se livrent à des pitreries qui, apparemment, font hurler de rire les Japonais, et émissions culinaires. Par hasard, nous tombons également sur le dernier drama d'Amami Yuki, Kaeru no Oujo-sama. Peut-être est-ce l'absence de sous-titres, le fait que je ne comprends pas les dialogues ou la qualité de l'écran HD, mais j'ai tout le loisir de m'attarder sur la forme du drama. Comment dire? Le jeu des seconds rôles, les décors, la réalisation, tout cela fait surprenamment cheap... Il faudra que j'étudie la question à mon retour.
Vue depuis la chambre |