dimanche 2 décembre 2012

Change



En cette fin d'année 2012, l'un des principaux partis de France a décidé d'offrir ses divisions internes en spectacle. Malgré tout le cynisme qu'on peut avoir envers la scène politique, je ne peux m'empêcher d'être surpris par la (non-)réaction des commentateurs et autres experts qui semblent considérer comme le plus naturel du monde les fraudes, tricheries, manipulations et autres malversations, supposées ou avérées, qui agitent ce petit monde. Comme si tout cela faisait intrinsèquement partie de la vie politique et qu'il fallait bien être naïf pour attendre autre chose de ceux qui nous gouvernent (ou en ont l'ambition). Soit. Mais dès lors, comme s'étonner d'une désaffection et d'une méfiance des citoyens pour une classe dirigeante à laquelle on accorde de si vilains défauts? Cette question ne se pose pas qu'en France naturellement, et elle est l'objet-même de Change, un drama aux contours naïfs mais au contenu pas si neutre.


Diffusée en 2008, cette série précède donc les tragiques évènements de mars 2011, depuis lesquels le désamour vis-à-vis de la classe dirigeante semble avoir atteint des sommets. En effet, l'incapacité des dirigeants nippons à faire face à la crise, notamment concernant le relogement, les lourdeurs de l'administration, les promesses non-tenues voire les mensonges quant à la situation réelle du pays, ont conduit des citoyens et des personnalités de tous bords à tenir des discours extrêmement durs à l'égard du gouvernement. La thématique de Change demeure donc d'une brûlante actualité.


Il ne faut pour autant pas attendre de ce drama une dénonciation violente du fonctionnement d'un système politique, de toute façon régulièrement brocardé et qui assure une véritable rente de succès pour les scénaristes qui le mette en scène. Les séries s'attardant sur les coulisses du pouvoir, la corruption des politiciens, les coups de poignard dans le dos et les ambiances aussi traîtresses que feutrées sont légion. De ce point de vue, Change n'offre rien de bien neuf, voire pourrait être considéré comme un montage facile puisque la série ne propose, de prime abord, rien d'autre que de jeter un homme honnête et désintéressé dans la fosse aux lions. Censé être une marionnette aux mains de politiciens sans scrupule, si sa naïveté l'expose aux coups, sa droiture lui apporte des soutiens sincères et vient contrecarrer les plans des vieux briscards qui pensaient le manipuler. Un conte pour enfants? Sans doute par certains aspects, en particulier par l'avènement de cet étranger au système au poste de Premier ministre - pourquoi faire les choses à moitié? - et par l'idéalisation d'un gouvernant capable de s'attarder sur des problèmes "mineurs" quand on sait que les 24H d'une journée sont à peine suffisantes au moins important des ministres pour tenir toutes ses attributions. Bon nombre d'autres détails viennent entacher la crédibilité d'un tel scenario, mais peu importe, car l'essentiel doit, à mon avis, être trouvé ailleurs.


En premier lieu, le personnage d'Asakura Keita, précipité bien malgré lui dans l'arène politique, doit être considéré comme un fantasme - et je ne dis pas cela parce qu'il est interprété par Kimura Takuya. Il incarne un individu paré des qualités idéalisées de l'homme lambda japonais - intègre, vertueux, travailleur, minutieux, désintéressé, ayant du bon sens... - auquel on ajoute quelques traits propres à toucher les cœurs compatissants: Asakura est un peu rêveur, un peu maladroit, un peu naïf. Ce personnage, censément ordinaire et qui souhaite le rester, met ainsi d'autant plus en relief le dévoiement d'une classe politique amorale, avide et sclérosée. Le fossé entre les citoyens, représentés par Asakura Keita, et leurs dirigeants se révèle donc particulièrement visible.
Dans un second temps, le personnage joué par KimuTaku se pose en modèle de ce que les Japonais s'estiment en droit d'attendre de leurs dirigeants. On se doute bien que le mode de fonctionnement du Premier ministre de fiction et de son équipe n'est pas franchement transposable à la réalité, mais il s'agit ici plutôt de donner une direction, un idéal, peut-être pas à atteindre mais au moins à viser et certainement pas à oublier. Dans Change, plus que l'incompétence des dirigeants, c'est l'oubli de leurs devoirs et des attentes des citoyens qui est stigmatisé. L'intérêt public souffre d'un désir de pouvoir des politiciens devenu une fin en soi. Le personnage d'Asakura rappelle que ce qu'attend l'homme de la rue, c'est qu'on se penche sur ses problèmes concrets.
Enfin, et c'est là, sans le moindre doute, le point le plus important, Change remet le citoyen face à ses responsabilités. Dans une démocratie, où le pouvoir appartient donc au peuple, celui-ci ne doit pas oublier ses devoirs, notamment le choix de ses dirigeants. Dans un système social japonais héritier d'un féodalisme encore récent à l'échelle de l'histoire du pays - Asakura Keita ne se trouve-t-il pas lui-même propulsé au poste qu'il occupe parce qu'il est le fils d'un politicien? -  la tentation est grande de remettre le poids de la responsabilité de la bonne marche du pays aux seuls dirigeants. C'est oublier que le peuple a, quant à lui, la responsabilité de choisir ceux qui le dirigent, de faire pression pour que ses préoccupations soient prises en compte et, s'il ne s'estime pas satisfait, non seulement de sanctionner ou de changer de dirigeants, mais également de s'investir dans la vie de la cité. Le monologue d'une durée record - jolie performance d'ailleurs - tenu par Asakura Keita lors du dernier épisode du drama se révèle ainsi comme un appel à la responsabilité du citoyen, et c'est notamment en cela que Change diffère des séries politiques habituelles et dévoile une certaine ambition.


A ces points intéressants, s'ajoutent quelques critiques complémentaires du système, plus courantes certes, mais qui participent à l'écho que Change donne de la désaffection des Japonais pour leurs élites. Parmi celles-ci, on relève la lourdeur de la bureaucratie et l'arrogance des technocrates qui y prolifèrent et n'hésitent pas à s'estimer plus compétents que les élus qu'ils sont censés servir. On note également, et dans un pays comme le Japon, tiraillé entre modernité et tradition, cela a son intérêt, que l'inertie liée aux habitudes est également montrée du doigt: le passé ne devrait en effet pas être un obstacle à l'initiative et aux changements.


Certes, tout cela fleure bon l'idéalisme et les aspects moralisateurs peuvent laisser dubitatifs. On pourrait, comme c'est mon cas, préférer un peu moins de candeur et plus de réalisme afin que la leçon porte mieux. Je doute, malheureusement, que la fraîcheur du personnage principal puisse dans les faits réellement toucher les élites qui s'agitent dans les ministères. Le choix de saupoudrer cette série d'éléments propres aux comédies prête également à discuter. Mais si tout cela, et d'autres choses encore, est avéré, il n'en demeure pas moins que Change est un divertissement sympathique et mérite sur le fond qu'on lui prête une attention qui ne se limite pas au 1er degré car, comme bien des dramas sur d'autres thèmes, il révèle un certain nombre d'éléments sur l'état d'esprit de la société japonaise. Et puis, il serait dommage de faire fi d'un fort bon casting, en tête de gondole duquel on retrouve les toujours excellents Kimura Takuya, Abe Hiroshi, Fukatsu Eri et bien d'autres - avec une mention spéciale pour Terao Akira (vu notamment dans Yasashii Jikan).

Bonus: Ending signé Madonna



---




7/10 : At least worth checking out.



The complete details about Change on drama-wiki
Change with English subs

vendredi 31 août 2012

Nihon e yokoso (XIV)

Il faut savoir finir, ce qui n'est pas toujours le plus facile. Je réfléchis depuis plusieurs jours à la façon adéquate de conclure le récit de ce voyage au Japon. A dire vrai, je n'en vois aucune se détacher particulièrement et puis il faut bien avouer qu'un aiguillon de mélancolie me pique un peu trop désagréablement pour avoir envie de lancer des effets de manche. Bref, je ferai simple et sans fioriture.

Dernier jour donc. Il faut finir de ranger les valises, empaqueter précautionneusement les quelques souvenirs et cadeaux, s'apprêter pour une journée de 48H ou presque... Nos amis nous accompagnent jusqu'à la gare, toute proche. Les précieuses Suica ont été rendues la veille et les cautions récupérées. Il faut donc en venir aux adieux. Que dire en cet instant? Comment exprimer notre gratitude? Les effusions, les scènes démonstratives, les phrases grandiloquentes ne font pas tellement partie de la culture japonaise et nous ne ferions certainement que les embarrasser... alors je me contente d'une inclinaison en disant que je ne sais pas, que je n'ai pas les mots pour les remercier. Monsieur s'en va après un dernier sourire. Madame prend le train avec nous jusqu'à la prochaine inter-connexion. Des paysages que nous commencions à connaître défilent une dernière fois devant nos yeux. Changement de train. Oui, on sait, les quais, c'est "abunai". Au revoir M. l'agent et, promis, nous ferons attention jusqu'au bout. C'est maintenant au tour de notre amie de nous quitter. Elle nous remercie d'être venus et j'ai presque envie d'en rire, tant les rôles semblent inversés! Ne réalise-t-elle pas l'ampleur de notre gratitude? Croit-elle que nous n'avons pas remarqué ses innombrables attentions discrètes à notre égard pour nous rendre le séjour toujours plus agréable? Pourtant ne taxons pas ses derniers mots de "simple politesse nippone"! Du moins, pas seulement, si on en croit le soupçon de tristesse que nous croyons lire dans son regard. Nos sourires reconnaissants et nos remerciements l'accompagnent jusqu'à la fermeture des portes automatiques du train. Le Narita Express nous ramène à l'aéroport et nous observons donc pour la dernière fois le paysage tokyoïte.



Narita. La routine de l'embarquement, avec un dernier désagrément - le surpoids de notre unique valise: le fait que nous soyons 2 pour 1 bagage n'est pas pris en compte... nande? - et une dernière attention typiquement nippone, id est le douanier qui, au vu de nos passeports, nous souhaite un "bon voyage" en français. Nous voici repartis pour un long voyage en A380 avec, une nouvelle fois, un équipage fort sympathique. Nous ne parlons pas beaucoup, chacun se perdant dans ses propres pensées. Les miennes me ramènent d'abord à ces amis que nous venons de quitter. Sans leur aide, leur enthousiasme à nous faire découvrir le Japon et sa culture, nous n'aurions sans doute pas réalisé le quart de ce que nous avons fait ni appris, autant de l'archipel que de sa culture. Cela semble prétentieux, mais pourtant, en leur compagnie, j'ai eu le sentiment, non seulement de visiter, mais, dans une certaine mesure, de vivre le Japon. Expérience passionnante et une chance dont je ne suis pas encore revenu! Aujourd'hui encore, la richesse de ce séjour ne me permet pas de faire le tri qui serait nécessaire à un compte-rendu clair et objectif de cette rencontre avec le Japon. Je ne me sens pas encore capable de discourir sur ce que j'ai appris, découvert ou eu la confirmation concernant les Japonais et leur culture. Il y aurait là un effort d'intellectualisation dont mon cœur ne veut pas encore entendre parler. Et puisqu'il est question d'adieux et de cœur...


Le dernier mot pour celle qui fut à l'origine de cette aventure et l'a rendue possible: merci.

Et maintenant, il est temps que je m'attelle à comprendre pourquoi les dramas ont l'air si cheap sur les écrans nippons et si sympas sur le mien! Je ne vois qu'une seule solution: en regarder! Plein!

vendredi 17 août 2012

Nihon e yokoso (XIII)

Les Japonais s'y connaissent en attentions discrètes. Nous en avons eu la preuve tout au long de notre séjour, mais il n'est, bien entendu, pas évident de mettre en image cette gentillesse feutrée. En voici pourtant un témoignage: ce matin encore, avant de partir au travail, nos hôtes nous ont préparé un petit déjeuner alors que nous émergions des brumes de la nuit.


Après s'être apprêtés, direction la station la plus proche, Mizonokuchi, en direction de Shibuya, où nous faisons un petit passage au Loft, enseigne d'une chaîne de magasins proposant à peu près tout ce qu'il est possible d'imaginer en biens de consommation et d'équipement.



Direction ensuite le marché aux poissons de Tsukiji, le plus grand du monde, mais, à force de lanterner, nous arrivons alors que, éclairés par les néons du marché couvert, les marchands ont quasiment fini de remballer leurs marchandises. Victimes honteuses de notre flânerie, nous nous installons sur des chaises hautes devant l'une des nombreuses petites échoppes proches du marché et nous consolons devant un maguro donburi, forcément d'une fraîcheur confondante.





Après avoir emprunté le métro, le bus, le train, le shinkansen, il manquait un autre type de transports en commun à l'appel: le yurikamome, qui nous emmène vers l'île artificielle d'Odaiba. Ce faux monorail emprunte le fameux Rainbow Bridge, traversant sur 800m une partie de la baie de Tokyo. A notre arrivée sur Odaiba, nous sommes accueillis par un mecano géant qui se révèle n'être autre que le siège de Fuji TV, dessiné par Kenzo Tange, sans doute l'architecte japonais le plus connu de la planète. Depuis Odaiba, la vue sur Tokyo offre naturellement un joli panorama, mais nous avons aussi la surprise d'y retrouver une réplique inattendue de la Statue de la Liberté. Est-ce parce qu'il s'agit d'une réplique réduite que son nom a lui-même été raccourci en "Statue de Librte"?



 





Cela étant, il y a plus surprenant encore puisque se trouve sur cette île ouverte aux quatre vents, une réplique "à l'échelle" d'un robot Gundam. C'est peu dire qu'elle rencontre un vif succès, auprès d'ailleurs de toutes les générations. Peu importe en effet qu'on s'intéresse ou non à cet anime, il apparaît essentiel à tous les visiteurs du lieu d'en prendre une photo-souvenir, avant d'aller dépenser quelques billets dans les produits-dérivés vendus par le Gundam Café. Depuis notre passage par Akihabara, nous n'avons plus vraiment été en contact avec cette facette de la culture japonaise, alors que le monde du manga/anime/etc. en constitue une part non-négligeable. Comme beaucoup d'Occidentaux, c'est par le manga que nous avons eu nos premiers contacts avec le Japon, mais il faut avouer que, l'âge faisant, cet aspect-ci de la culture japonaise nous interpelle aujourd'hui moins que d'autres. Certains s'y intéressent plus que nous et j'en profite donc pour faire un peu de pub au guide de voyage Otaku Tōkyō isshūkan. Son auteur est un ami dont l'érudition sur la culture manga, sous un angle aussi bien artistique que sociologique, doit souffrir de peu de comparaisons en France (et au-delà).



 






Odaiba semble conçue comme un prototype de ville du futur. On y tente donc d'allier espaces verts, divertissements, logements, halls d'exposition, dont le vaste Zepp Tokyo, et même d'immenses bains publics baptisés Ooedo onsen.qui ne manquent pas de surfer sur le succès commercial du moment: Thermae Romae. Le centre commercial Venus Fort ne manque pas de surprendre le visiteur puisqu'il est aménagé de façon à ressembler à une ville italienne traditionnelle avec ses fontaines, son église, ses peintures et un plafond dont la luminosité change selon l'heure de la journée!











Nous nous rendons maintenant à Ginza, quartier huppé de Tokyo s'il en est. Pendant que monsieur se repose les pattes, mademoiselle jette un œil sur les rayons d'un immense Shiseido et les deux yeux sur les mannequins japonais bodybuildés d'Abercrombie... Je vous vois venir: non, pas de photo de ces derniers.



Retour à Shinjuku, crochet par le plus grand Uniqlo de la capitale nippone, puis nous prenons un macha tea latte au Starbucks local en attendant de revoir un ami, expatrié de longue date. Petite anecdote, le caissier entend toutes ses commandes répétées à tue-tête par deux serveuses, apparemment lancées dans un record du monde de synchronisation vocale. Amusant. Nous retrouvons l'ami en question à l'entrée Sud de la station et gagnons une izakaya bondée de salarymen, où le patron nous accorde deux heures de grignotage et de bières fraîches.


Parfaitement au fait des us et coutumes de la société japonaise, notre camarade expatrié nous offre un nouveau regard sur notre séjour en nous livrant un certain nombre de clés de compréhension. Exemple: si les Japonais, même dans une rame pleine à craquer, ne s'assoient pas à côté de nous dans le métro, s'ils nous évitent dans les onsen, ce n'est pas tant par dégoût des gaijin que par peur de se voir interpelés en anglais et de se couvrir de honte au cas où ils ne sauraient nous comprendre ou nous répondre. Il nous parle également de l'inquiétude muette d'une population tokyoïte qui, après les évènements du Tohoku de mars 2011, sent la menace se rapprocher, de cette seconde d'angoisse lorsque les alarmes sonnent en se demandant: "serait-ce LE tremblement de terre de Tokyo?". Bon nombre d'autres sujets sont évoqués et c'est à regret que nous devons mettre un terme à cet échange passionnant. Il ne nous reste plus qu'à rentrer pour notre dernière nuit au Japon.




mercredi 15 août 2012

Nihon e yokoso (XII)

De retour à notre point de départ, le moment est venu de compléter les découvertes du premier jour par de nouvelles promenades dans les différents quartiers tokyoïtes. Au programme de cette journée: Harajuku, Omotesando, Shinjuku, Roppongi... Mais avant cela, pour une transition en douceur après la visite de si nombreux temples aux quatre coins de l'île de Honshu, nous commençons par le Meiji Jingu, sanctuaire shinto niché au milieu d'un bois, lui-même s'élevant au sein du quartier de Shibuya. Rien moins qu'une forêt, paisible et verte, au cœur de la mégapole nippone! Le long du chemin menant au temple, sont entassées des dizaines de larges barriques d'alcool, offrandes à la mémoire de l'Empereur qui fit entrer le Japon dans la modernité. Comme toujours, toutes les générations se pressent dans ces lieux de prière.






Sortant du couvert des arbres entourant le Meiji Jingu, nous pénétrons dans Harajuku par la célèbre Takeshita Street. La moyenne d'âge y est particulièrement basse, et, en ce jour de semaine, les jeunes gens portent tous leurs uniformes. Quand on regarde la devanture des boutiques devant lesquelles ils se pressent, on peut cependant imaginer la réputation d'excentricité du quartier. S'y étalent également les produits dérivés des Johnny's et des boys bands coréens.


J'avoue ne pas être très intéressé et c'est donc d'un pas assez rapide que nous quittons les lieux pour Omotesando, paradis du shopping de luxe, au sein duquel les marques françaises se taillent une place de choix. Le sac Vuitton n'est-il pas l'accessoire indispensable de la Tokyoïte?


Après un coup d’œil amusé sur ces vitrines de luxe, nous décidons, pour nous restaurer, d'aller vers un quartier plus en rapport avec nos moyens. Direction Jiyugaoka, quartier résidentiel et commerçant, abritant de nombreux petits restaurants fréquentés par une bourgeoisie confortable, mais aux tarifs acceptables. Les Japonais apprécient la cuisine occidentale, dont certains plats font désormais partis du patrimoine gastronomique nippon, et nous sommes curieux de voir les éventuelles différences avec ce que nous connaissons. Malheureusement, nous ne trouvons pas l'enseigne, réputée pour ses napolitan, qui nous avait été indiquée et nous nous rabattons donc sur un restaurant qui nous propose des spaghetti mentaiko shimeji. Celles-ci sont suivies d'un passage éclair par une pâtisserie proposant des donuts au macha et nous voici repartis pour Shinjuku!



Le temps de faire le trajet, le ciel s'est couvert de nuages et c'est donc sous la pluie que nous nous rendons au pied de l'imposante mairie de Tokyo. L'averse a chassé les piétons des rues, à l'exception d'une femme politique et de son équipe, arborant en bandoulière des écharpes bleues. Alors que ses séides se tiennent stoïquement au garde-à-vous, sans un parapluie malgré une ondée brutale, la femme poursuit ses exhortations, amplifiés par les enceintes montées sur la camionnette garée derrière elle, à destination d'une foule invisible, en fait réduite à un unique auditeur. Abnégation admirable ou entêtement aberrant? J'ai le sentiment de voir dans cette scène un morceau de l'âme nippone.


Étrange parallèle. Aux portes de Nishi-Shinjuku, quartier des gratte-ciels, symboles de la prospérité économique japonaise, se trouve un parc hanté par les exclus du système, les oubliés, les marginaux... Pour les protéger de la pluie, leurs biens sont emballés sous des bâches en plastique bleues, particulièrement reconnaissables car destinées principalement aux sans-abris. L'averse les a chassés vers des endroits mieux abrités. Nous-mêmes pressons le pas vers un de ces distributeurs de boissons chaudes (et froides) qu'on trouve tous les cent mètres, nous permettant de nous réchauffer avant de reprendre le métro vers notre prochaine destination.




Roppongi Hills, méga-complexe immobilier au cœur de Tokyo, empile en un même lieu des magasins, des restaurants, un cinéma et des résidences de luxe. One Piece y côtoie l'atelier de Joël Rebuchon, où l'on notera, comble du chic, que la carte est rédigée en français puis en japonais: les prix paraissent raisonnables jusqu'à ce qu'on réalise qu'il s'agit bien de petites portions pour dégustation... Au fil de nos allées et venues, nous profitons d'une vue superbe sur la Tokyo Tower.




 


Après un dernier détour par les grands magasins Marui et Nocty, nous retrouvons nos amis pour un repas de départ, légèrement anticipé car ils ne pourront se libérer pour notre véritable dernière soirée. La formule boissons à volonté pour accompagner le shabu shabu nous permet de tester un étrange highball et le makkori: kampai! Nous finissons la soirée par une petite promenade digestive: à cette heure avancée, Matsumoto Kiyoshi, le plus grand drugstore du Japon est toujours ouvert, de même que les supermarchés, l'occasion de faire une dernière razzia de produits purement made in Japan. La fin du séjour se fait décidément beaucoup trop proche.