jeudi 29 septembre 2011

Ushi ni Negai wo

Au Japon, le secteur agricole ne représente même pas 5% de la population active. Il s'y trouve victime de plaies identiques à celles qui frappent la paysannerie occidentale et ont pour conséquence le non-remplacement des agriculteurs, l'appauvrissement des campagnes, la chute potentielle de la qualité de la production et finalement la lente agonie d'une certaine culture rurale. Régulièrement, la problématique resurgit sur la place publique et redevient, pour un temps du moins, un sujet de société. Il n'était donc pas illogique qu'un drama, même récent, se penche à son tour sur la question.

Ushi ni Negai wo ose donc proposer à une audience essentiellement urbaine une série portant sur un quotidien rural auquel les téléspectateurs japonais sont logiquement de plus en plus étrangers. A cette fin, il a été imaginé de précipiter dans les campagnes nippones un groupe de jeunes étudiants tokyoïtes, plus ou moins convaincus de l'intérêt de cette expédition.

Pour dévoiler l'aspect le plus positif de cette série, les problèmes auxquels la paysannerie fait face sont clairement affichés. On pourrait évoquer, en vrac, la concurrence des pays en voie de développement sur les matières alimentaires, l'inflation des coûts et l'endettement galopant qui ne sont pas compensés du fait de la faiblesse des prix, le non-renouvellement de la main d'oeuvre partie chercher du travail et une vie moins rude à la ville, les politiques agricoles décourageantes pour ceux qui ont leur métier à cœur, etc. La liste est malheureusement longue et elle ne sonnera pas étrangement aux oreilles occidentales, tant il est vrai que ces difficultés se retrouvent à l'identique dans nos propres campagnes. On note que la réalisation, malgré, semble-t-il, quelques erreurs typiques de citadins, s'est évertuée à montrer une vision "réaliste" de la campagne japonaise, où la rudesse du travail des champs s'équilibre avec un outil agricole résolument moderne: malgré l'âge de ses actifs, l'agriculture japonaise de ce nouveau millénaire n'est en effet pas celle de l'ère Shōwa. Ushi ni Negai wo tente également de montrer les mérites de cette vie difficile mais saine et des valeurs de la culture rurale. L'ambition avouée du drama n'est en effet autre que de convaincre les étudiants précités, et par là les téléspectateurs, que l'agriculture japonaise a encore un avenir sur lequel la jeunesse peut miser.

Chacun des six étudiants incarne l'une des postures que les jeunes du XXIème siècle peuvent avoir vis-à-vis de l'agriculture. Tohei (Koide Keisuke) étudie sérieusement pour jouer un rôle dans l'avenir de l'agriculture nippone, mais son intérêt est plus politique que sentimental. Kazumi (Toda Erika) est la gourdasse de service affublée d'une vision romantique de la vie à la campagne. La belle Mihoko (Karina) incarne la pure citadine, inséparable de ses hauts talons et de son gsm, et qui, en conséquence, se moque éperdument de la campagne, de ce qui s'y passe et de son devenir. Ayaka (Aibu Saki) est la seconde cruchonne de service, un peu là par hasard et principalement préoccupée par ses histoires de cœur. Ryuta (Nakata Atsuhiko) est... juste un mec bizarre. Reste enfin Takashi (Tamayama Tetsuji), le chouchou des téléspectatrices japonaises, et, en l'occurrence, des habitants de son village natal où se joue l'histoire. Son rôle, un peu plus étoffé que celui de ses comparses, est celui d'une jeune homme pris entre les espoirs d'une population vieillissante et sa perception que l'agriculture nippone se trouve au-delà de tout salut. Les rôles étant ainsi donnés, globalement, tous ces personnages donneront une vision assez simplistes de la jeunesse japonaise. C'est assez paradoxal, de la part d'une série qui cherche à démystifier les campagnes, de s'égarer régulièrement dans la caricature de ces protagonistes venus de la ville. Probablement pour appâter le chaland de moins de 30 ans, en sus du casting, les réalisateurs d'Ushi ni Negai wo se sont attachés à respecter un cahier des charges défini dès le sous-titre de la série: "Love and Farm". Avec ça, nous voilà bien. Pour que ce soit clair et net, les aspects romantiques de ce drama s'avèrent totalement superfétatoires, voire contre-productifs puisqu'ils appuient la tentation caricaturale que j'évoquais plus haut. Dommage.

On ne peut quand même pas retirer à cette série le mérite de se pencher, non sans intelligence et un peu d'humour, sur un phénomène de société finalement peu porté sur les écrans. Un sujet tellement rare d'ailleurs que, pour une fois, je vais me permettre une recommandation à ceux qui souhaiteraient en apprendre davantage, mais de façon toujours ludique, en conseillant la lecture d'un manga informatif paru en France, chez Delcourt, Les Fils de la terre. Les autres pourront se contenter de jeter un œil sur ce drama et de toujours profiter d'un bol d'air pur, loin du décor habituel de la mégapole tokyoïte.


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6/10 : That wasn’t too bad, I guess. But never worth a rewatch.



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jeudi 22 septembre 2011

Shiroi Haru

Parler d'un drama au titre ouvertement printanier au moment où l'automne commence... après tout, pourquoi pas? Il n'y a jamais de mauvais moment pour raconter une belle histoire et applaudir un grand talent.

A vrai dire, les deux se confondent puisque cette histoire est d'abord celle d'un homme, Sakura Haruo, incarné par ce fabuleux acteur qu'est Abe Hiroshi (Trick, At Home Dad, Dragon Zakura, Kekkon Dekinai Otoko, CHANGE, Saka no Ue no Kumo, Shinzanmono). Après 9 années passées en prison, Haruo découvre que Mariko (Konno Mahiru), la femme pour laquelle il a sacrifié sa liberté, est décédée de maladie. Alors que le crime qu'il a commis, en échange d'une forte somme d'argent, aurait dû permettre d'éviter cette issue funeste, Haruo noie son chagrin dans la colère. Sa fureur se dirige vers Murakami Yasushi (Endo Kenichi), un artisan boulanger qui semble avoir entretenu une relation avec Mariko au moment de son décès: lui aurait-il soutiré son argent, et donc condamnée à mort, pour ouvrir sa boutique? C'est dans ces circonstances qu'Haruo rencontre Sachi (Ohashi Nozomi), la fille de Murakami et qu'un lien étrange se noue entre eux.

Il m'arrive parfois de me demander si je dois vraiment réécrire un synopsis qu'on peut trouver facilement par ailleurs. Après tout, mes très rares lecteurs connaissent souvent l'histoire aussi bien que moi, aussi devrais-je peut-être me consacrer uniquement à la critique de la série et de ses acteurs? Pourtant ces brèves introductions sont bien utiles pour faire apparaître les thèmes principaux qui porteront la série, clairement ou en germes.

Parlons du plus visible d'abord. Ce drama dépeint avec acuité l'effondrement social résultant d'un séjour en prison. Pour une fois, et c'est à souligner, on évite le couplet lancinant de la honte indélébile du coupable pour se mettre à la place de l'ancien taulard et comprendre son isolement et sa misère. Haruo, dont l'avilissement est parfois montré de manière très crue, comme lors de la distribution de la soupe populaire, se retrouve au plus bas de l'échelle sociale, avec des chances de réinsertion minimales. C'est néanmoins parmi ces marginaux et ces exclus de la société qu'il retrouvera, en la personne de Nishida Shiori (Yoshitaka Yuriko), un peu de solidarité et de sympathie. Cette jeune fille taquine, qui lui offre un refuge, et la jeune Sachi seront, à des degrés divers, les deux artisans de l'évolution du personnage principal et, peut-être, de sa reconstruction.

Mais ces sentiments aimables ne suffisent pas pour étancher la soif de vengeance de Haruo. Sa revanche lui est d'autant plus nécessaire qu'elle apparaît comme la seule solution pour combler le vide de sa nouvelle vie. En fait, le personnage semble chercher une façon d'exorciser son impuissance à avoir pris soin de la femme qu'il aimait. En choisissant de commettre un crime et d'aller en prison, Haruo s'est condamné lui-même à l'absence et à l'inaction. Ce constat amer mais vrai lui sera constamment rappelé au fil de l'histoire et de ses rebondissements. Peut-on vraiment rattraper le temps perdu?

Une question d'autant plus cruciale qu'elle se trouve au cœur de l'affrontement entre Sakura Haruo et Murakami Yasushi. Je ne peux malheureusement trop m'y pencher sous peine de dévoiler l'intrigue, mais j'ai aimé la très grande justesse du scénario sur ce point et la crédibilité des deux acteurs. Qu'aurions-nous fait à la place de ces deux hommes? Shiroi Haru administre une leçon de vie sur le difficile équilibre à trouver entre ce qui semble bon, bien ou préférable et ce qui est juste. Le scénariste lui-même renonce d'ailleurs à délivrer son avis, comme le prouve un dernier épisode, que certains trouveront insatisfaisant mais qui a le mérite de laisser les téléspectateurs libres de leur propre opinion.

Pour porter cette histoire, il fallait donc un grand acteur et Abe Hiroshi, touchant, sincère, naturel, vrai, en un mot: excellent, relève le défi haut la main. Ce n'est pas un hasard, mais bien un hommage, si je le fais figurer sur chacune des illustrations. Il se trouve être très bien accompagné par un vieil habitué des caméras, Endo Kenichi, dans le rôle de Murakami, qui joue avec beaucoup de justesse cet homme ordinaire tiraillé entre ses envies et ses peurs d'une part, sa morale et sa conscience de l'autre. Un tiraillement partagé par sa belle-sœur, Takamura Tanako, interprétée sobrement par la toujours convaincante Shiraishi Miho (Orange Days, Densha Otoko). A contrario, n'est pas Yagi Yuki qui veut (cf. Bara no nai Hanaya), et la petite Ohashi Nozomi ne m'a pas toujours ému, mais fort heureusement sans réellement porter préjudice à son duo avec Abe Hiroshi. J'ai également apprécié les apparitions rafraichissantes de Yoshitaka Yuriko (Ashita no Kita Yoshio, Love Shuffle), interprétant la mutine Shiori, jeune fille espiègle à la recherche d'une figure paternelle protectrice. Globalement, le casting et l'ambiance créée par les acteurs sont convaincants. On a l'impression de traverser un moment extraordinaire de la vie finalement très ordinaire de gens qui le sont tout autant.

Il ne manque pas grand chose pour faire de Shiroi Haru un de ces dramas qui marquent durablement les amateurs du genre. A moins que, plutôt qu'un manque, il faille parler d'un trop plein, en l’occurrence d'un excès d'épisodes eu égard au scenario parfois monocorde. Le rythme lent et les développements prévisibles finissent en effet par desservir les sentiments nés du visionnage de cette série. Ceux-ci s'en trouvent dilués faute de scènes fortes capables de revitaliser une histoire qui s'étale, parfois mollement, sur onze épisodes. On ressort donc de ce drama en ayant eu l'impression de passer un moment agréable, mais sans cette émotion qui oblige à reprendre son souffle une fois l'écran éteint.

Le regret exprimé ici ne doit cependant pas détourner le téléspectateur du plaisir de s'offrir ces quelques jours de printemps, en excellente compagnie, sous les cerisiers en fleurs.


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7/10 : At least worth checking out.


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mardi 20 septembre 2011

Densha Otoko

Il est temps de s'attaquer à ce monument de la nerd-attitude paru en 2005 qu'est Densha Otoko. Inspirée de faits plus ou moins réels, cette série raconte la naissance et le développement de la relation inespérée entre un otaku et une belle jeune femme de la bonne société. A en croire les scores d'audience, ce conte de fée moderne aura touché un très grand monde de personnes.

Pour rappeler brièvement cette histoire ultra-médiatisée, un jeune otaku, Yamada Tsuyoshi, vient au secours d'une belle inconnue, Aoyama Saori, embêtée dans un train par un homme ivre. Pour le remercier, celle-ci lui fait parvenir un service à thé estampillé Hermès. "Densha" sollicite alors l'aide des utilisateurs du forum 2channel qu'il fréquente pour savoir comment interagir avec "Hermes" dont il est tombé éperdument amoureux.

L'histoire étant posée, parlons des protagonistes du rêve. Et puisqu'il s'agit du récit de la conquête d'une femme délicate, soyons galants et commençons par "Hermes", cette jeune femme de bonne famille, refroidie à l'égard des hommes suite à une déception sentimentale, mais qui a le mérite de ne pas s'embarrasser de préjugés sociaux vis-à-vis de ses interlocuteurs. Ito Misaki, ou l'éloge de la lenteur, se glisse - délicatement, bien sur - dans la peau de ce personnage. On n'aurait mieux su incarner le fantasme de la princesse raffinée, pleine de grâce, de charme et d'élégance: elle parle doucement, ses gestes sont lents et mesurés, elle sourit avec retenue... à croire que la quatrième dimension dans laquelle elle se meut n'est pas la même que la nôtre. En face, "Densha", incarné par Ito Atsushi, est un nain complexé, timide, mal attifé, moqué et donc peu à l'aise en société sinon celle de ses camarades otaku avec lesquels il écume Akihabara pour satisfaire sa passion à l'égard des figurines, dessins animés et autres jeux vidéos. Il a également grand cœur et s'autorise à peine le rêve de passer un moment avec une femme qui lui semble si incomparablement supérieure et inaccessible. Et pourtant, poussé et encouragé par des forumeurs de plus en plus nombreux à suivre son histoire, il ose se lancer dans cette impossible conquête. Malheureusement et au-delà de tous ses autres traits de caractère, le personnage, certes joué avec une ostensible exagération, est ici un incorrigible geignard. Il pleure quand il pense à "Hermes", il pleure quand il est humilié, il pleure quand il est devant son PC, il pleure quand il fait sa déclaration, il pleure, il pleure, il pleure... Les nombreuses séquences comiques ne sont finalement que de courtes respirations avant que les couinements ne reprennent. Bien longtemps après avoir vu Densha Otoko, il m'est toujours impossible de repenser à ce drama sans être poursuivi par les pleurs et gémissements de "Densha". Au secours!

Pour autant, Densha Otoko ne manque pas d'intérêt. Sur le plan de la réalisation, j'ai trouvé excellente la représentation du net et cette toile lumineuse qui relie ces petites lucarnes de vie les unes aux autres. Il est vrai a contrario qu'à l'intérieur desdites lucarnes, s'agitent de drôles de personnages, extrêmement caricaturaux et dans lesquels seuls quelques rares excentriques devraient se reconnaître. La production a également mis le paquet pour plonger le téléspectateur dans une ambiance propre au monde des otaku, ne serait-ce que dès le générique sous forme d'anime conçu spécifiquement pour les besoins de la série. On trouve également un casting très étoffé et de qualité avec, entre autres, Shiraishi Miho (vu dans Orange Days) dans le rôle d'une collègue plus ou moins protectrice vis-à-vis du triste "Densha", Hayami Mokomichi dans celui du frère protecteur à l'égard de Saori, Oguri Shun parmi les utilisateurs de bon conseil de 2channel, Toyohara Kosuke en imposteur et soupirant intéressé de la gracieuse "Hermes" et même Horikita Maki dans un rôle minimaliste de petite sœur pas franchement fière de son otaku de frère. Une bien courte sélection parmi les très nombreux sympathiques et amusants seconds rôles: j'espère qu'on me pardonnera d'ailleurs la prime à la notoriété.

J'ai également trouvé intéressantes deux questions soulevées par la série. Même pour la meilleure raison du monde, faut-il renoncer à sa nature, à ses passions et centres d'intérêt pour se poser en prétendant légitime d'une femme qui appartient à un autre milieu? On se doute de la réponse donnée par le drama, mais cette réflexion, notamment dans une société qui fait la part belle au conformisme, a le mérite d'être pertinente. Et c'est également le cas de la seconde question: quelle est la frontière à partir de laquelle la vie privée ne doit plus s'exposer sur la place publique sous peine de perdre tout intimité? Ne pensant pas à mal et avide de secours, "Densha" n'en expose pas moins sur un forum la vie d'une tierce personne, sans que celle-ci n'en sache rien.

Au final donc, Densha Otoko se présente comme un divertissement assez bien ficelé et amusant, mais handicapé par un couple vedette qui ne m'aura pas vraiment convaincu et notamment le personnage de "Densha" qui aura mis à mal mes trésors d'empathie pour la remplacer petit à petit par une profonde envie de lui tordre le cou. Un drama qui se laisse voir, mais en n'oubliant pas de placer une serpillère sous son écran: on n'est jamais trop prudent.


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6/10 : That wasn’t too bad, I guess. But never worth a rewatch.



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vendredi 16 septembre 2011

Hoshi no Kinka

Après des incursions heureuses dans des dramas vieux de quelques années, je me suis décidé à tenter de regarder l'un des grands classiques de la télévision nippone des années 90, Hoshi no Kinka. Je dois avouer que j'en éprouve aujourd'hui des sentiments confus et contradictoires qu'il me faut coucher par écrit pour mieux les analyser.

Pour faire le tri dans ce fatras, tâchons de procéder par ordre. D'abord en dévoilant un synopsis qui permet de se préparer au ton excessivement romantique de la série. Officiant volontairement dans un petit dispensaire perdu en pleine campagne, le docteur Nagai Shuichi, fils du directeur d'un prestigieux hôpital tokyoïte, doit retourner passer quelques jours à la capitale. Il promet d'épouser Aya, son aide soignante, à son retour. Suite à un accident survenu à son arrivée, Shuichi perd la mémoire, oublie sa fiancée et retombe aux mains de son ambitieuse famille. Aya, en dépit du handicap lié à sa surdité, s'envole à son tour pour Tokyo, tenter de retrouver son amour disparu. Le décor étant planté, ne reste plus qu'à y laisser jouer les protagonistes de ce mélodrame.

Un mot cependant avant de s'intéresser aux personnages. Ce qui frappe immédiatement en regardant Hoshi no Kinka, c'est son âge, tant par la qualité de l'image que par sa mise en scène, sa bande sonore et ses horribles bruitages dignes des sentais du début des années 80. Il m'a fallu un petit temps d'adaptation avant de pouvoir passer outre cet aspect obsolète, cette impression en fait de voir une vieille pièce de théâtre filmée plutôt qu'une série télévisée. Les acteurs eux-mêmes, car il est temps d'y venir, semblent jouer avec toutes ces exagérations qui permettent au public du dernier rang de saisir toute la tension s'exprimant sur les planches. Plus que des personnages, il m'a semblé que chaque acteur tentait ainsi d'incarner par son jeu une idée, une émotion, un concept. J'en veux pour exemple, les rôles secondaires: le docteur Komori (Ibu Masato) est l'image vivante de la fourberie, le docteur Koizumi (Tanaka Minato) celui de l'arrivisme, l'infirmière Sonoko (Nishimura Tomomi) est un modèle d'ingénuité, etc.

Qu'en est-il des têtes d'affiche? Sakai Norito interprète superbement le rôle d'Aya, cette jeune femme sourde, à la recherche de son fiancé évanoui dans la gigantesque Tokyo. A vrai dire, et malgré quelques preuves de caractère, Aya n'est rien moins qu'un ange descendu du ciel pour apaiser les âmes en peine. Elle est l'agneau qui offre sa nuque au boucher, la martyre qui se sacrifie pour le bonheur des autres, l'icône qui raffermit les cœurs déchirés par le doute. Au nombre de ceux-ci, se trouve l'impulsif Nagai Takumi (Takenouchi Yutaka), le jeune demi-frère de Shuichi. Etouffé par l'amour de sa mère, cherchant désespérément l'approbation d'un père méprisant, soumis à une constante comparaison avec le génie de son frère, Takumi est un être en perdition. Tantôt violent et cynique, tantôt brisé par des larmes de chagrin, son mal de vivre le pousse à s'auto-détruire en s'essayant aux pires excès. Son immaturité en fait le négatif naturel d'un Shuichi (Osawa Takao) adulte, intelligent, pondéré voire, par contraste, un peu fade. Du moins de mon point de vue, car ce personnage semble avoir été créé pour incarner le parfait homme de devoir à la japonaise. Cela va sans dire, nous aurons bien droit ici au très habituel triangle amoureux.

Au-delà du jeu des acteurs et du trio de stars que je viens d'évoquer, j'ai été frappé du rôle prépondérant joué par les femmes dans ce drama. Aya, certes, puisqu'elle se trouve au cœur de l'histoire, mais à vrai dire chaque actrice joue sa propre partition et ce sont bien elles qui font vivre cette série. Ce sont la revanche du docteur Koizumi, les indiscrétions de Sonoko, l'arrivisme de Michiyo, la folie d'Ayumi, les machinations de Shoko qui font avancer l'histoire. Paradoxalement, la vision de la femme qui ressort de Hoshi no Kinka m'est apparue parfois terriblement sexiste et j'en donnerai pour preuve, parmi d'autres, le couple formé par Shoko et Shuichi. Ce dernier se fera ainsi durement morigéner de ne pas s'inquiéter suffisamment du droit au bonheur de sa partenaire, alors même que les arguments qui lui sont servis seraient tout aussi valables pour défendre le sien! Apparemment, si la priorité de la femme est le bonheur, celui de l'homme est le devoir. Je ne peux pas dire que je découvre cette répartition passéiste du rôle des genres, mais j'en reste surpris à chaque fois. Et puisque je parle du loup, je ferai également un dernier commentaire sur un des personnages féminins, en l'occurrence celui de Shoko (Hosokawa Naomi). De ma compréhension de la culture nippone, il me semble que les Japonais, loin du manichéisme occidental et chrétien, éprouvent un certain respect pour les personnes qui choisissent une voie et s'y engouffrent totalement quel qu'en soit le prix. Ceci expliquerait qu'ils ne soient pas choqués par la schizophrénie de cette oie blanche capable d'éprouver à la fois les joies les plus ingénues et d'accomplir les manœuvres les plus sordides et les plus lâches pour parvenir à ses fins. Le fait de prétendre aimer donne-t-il tous les droits? En ce qui me concerne, quelles que puissent être ses excuses, j'ai trouvé ce personnage parfaitement répugnant.

Ce sentiment illustre l’ambiguïté de mon état d'esprit quant à cette série. Je pourrais dire que je n'ai pas aimé ce drama, aussi bien sur la forme, partagée entre une réalisation digne des feuilletons américains des années 80-90 qui faisaient la joie de nos grands mères et un jeu d'acteurs de théâtre, que s'agissant d'un scénario qui n'est pas en reste pour abuser de grands poncifs mélodramatiques. Dans le même temps, sur un plan culturel et intellectuel, la longueur de cette chronique démontre par elle-même que j'y ai trouvé un intérêt certain. Ce drama de 1995 me semble en effet le reflet d'une certaine société japonaise, plus traditionnelle sur la forme et plus conservatrice sur le fond. Par incidence, cette série m'a rappelé à quel point mon intérêt pour le Japon et mon attrait pour certaines de ses valeurs ne m'empêchent pas de rester un Occidental et d'être en profond désaccord avec certaines autres. Je ne regarderai probablement pas la seconde saison, parue l'année suivante, mais, selon les attentes de chacun, je pourrais certainement recommander Hoshi no Kinka, un drama qui, en tout état de cause, ne laisse pas indifférent.


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mercredi 7 septembre 2011

Rookies

Au Japon, le baseball lycéen, loin d'être une petite affaire, rencontre un succès équivalent à celui d'un baseball professionnel pourtant très populaire. Les télévisions locales diffusent ainsi les matchs de qualification pour le tournoi estival qui se tient chaque été au stade du Koshien. Ledit tournoi est ensuite retransmis en direct à toute la Nation par la NHK. Cause et conséquence de cette notoriété, le baseball lycéen a fait l'objet de nombreux récits à sa gloire, au nombre desquels on distingue en priorité les mangas d'Adachi, mais aussi le Rookies de Morita.

L'adaptation de ce manga ne cache d'ailleurs pas sa filiation, tant par son ton que par sa réalisation et le jeu de ses personnages. Issu d'un shonen, ce drama en adopte tous les caractères pour raconter l'histoire d'une bande de voyous, peu à peu convertis au mérite des efforts par un jeune professeur atypique et charismatique, et qui va devenir progressivement, au fil des épreuves, une véritable équipe de base-ball visant l'accession au mythique stade du Koshien. Les mangaphiles qui penseront au terme "nekketsu" n'auront pas tort. Rookies, le drama, ne s'aventurera en tout cas pas au-delà des codes du genre: se battre pour réaliser ses rêves, des capacités hors du commun pour certains personnages, l'effort et la volonté plus forts que l'adversité, notamment dans les moments critiques, et l'amitié comme vertu de référence. Il ne s'agit pas ici de refaire le débat autour des valeurs véhiculées par les shonen, mais il est toujours aussi surprenant de voir à quel point ceux-ci usent et abusent des personnages asociaux pour les transformer en hérauts des valeurs traditionnelles de la société japonaise. Rookies en est un formidable exemple puisque ces Yankees, héros de l'histoire, n'auront de cesse de démontrer à quel point la réussite et la reconnaissance sociale reposent sur le respect des règles, le travail acharné, le dévouement au collectif, etc. Un vrai travail de propagande qui prête globalement à sourire, si ce n'est lors de ces banquets d'amertume où les fautifs d'hier doivent s'incliner encore et encore pour se faire pardonner leurs erreurs passées. Cette culture de la honte indélébile est parfois bien pénible.

A ce type de scenario classique, vous ajoutez des adolescents dont l'hyper-sensibilité est dévoilée sans pudeur (id est plus vous êtes une brute, plus vous êtes en réalité un grand sentimental), des prêches grandiloquents en forme d'apartés afin de bien enfoncer le clou auprès du téléspectateur, des cliffhangers, des ralentis et des flashbacks à foison. Bref, que d'émotions! Je m'en voudrais de ne pas mentionner cette détestable habitude qu'ont certains réalisateurs japonais de faire des plans sur les visages de tous les personnages à chaque séquence, qu'elle soit dramatique, humoristique... ou moralisatrice. Sachant qu'une équipe de baseball lycéen au Japon compte au minimum neuf joueurs, un entraîneur et une manager, je laisse à chacun le soin d'imaginer le temps consacré à montrer et remontrer les visages concernés, émus ou hilares des protagonistes. A contrario, bonne nouvelle pour les allergiques au sport, les matchs de baseball en eux-mêmes occupent finalement peu de place à l'écran au profit de la psychologie des personnages et des leçons de morale.

Pour autant, Rookies vaut mieux que le portrait moyennement flatteur que je viens d'en dresser, en grande partie grâce à son casting. Sato Ryuta (Ikebukuro West Gate Park, Kisarazu Cat's Eye, Pride) incarne à l'écran le fantasque professeur Kawato, trop naïf, sincère et énergique pour être vrai mais finalement drôle et attachant. Et il en est de même pour les acteurs jouant cette bande de sympathiques voyous: l'empilement de bishonen, façon Gokusen ou HanaKimi, est globalement évité pour essayer de retrouver telles quelles les "gueules" des personnages du manga. Il est dès lors d'autant plus facile de s'attacher à Aniya la star (Ichihara Hayato), à l'honnête Mikoshiba (Koide Keisuke), à Shinjo la brute au grand cœur (Shirota Yu), à Sekikawa le sprinter (Nakao Akiyoshi), à Wakana la grande gueule (Takaoka Sousuke), à Hiratsuka le bouffon (Kiritani Kenta) et à son fidèle acolyte Imaoka (Onoue Hiroyuki), à Okada (Sato Takeru), Yufune (Igarashi Shunji) et Hiyama (Kawamura Yosuke). Difficile de ne pas les prendre en affectation, ni de se prendre au jeu et de les soutenir pour les voir gagner et réaliser leur rêve du Koshien. Même si l'émotion est parfois administrée à la truelle, plutôt que distillée avec finesse, elle s'avère régulièrement contagieuse. Et ainsi, au final, malgré ses défauts, Rookies réussit le pari d'offrir à chaque téléspectateur une bande de potes avec lesquels il aura plaisir à aller au bout de l'aventure.


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