mercredi 16 mai 2012

Nihon e yokoso (I)

J'ouvre une parenthèse sur ce blog dramaphile pour raconter, en quelques posts, mes récentes pérégrinations au Japon. J'ai en effet eu l'immense plaisir de me rendre pour la première fois au pays du Soleil Levant, au cours de la première quinzaine de mai, grâce à la conjonction de facteurs aussi divers que l'impulsion de ma chère et tendre, la proposition de découverte guidée de leur pays par des amis japonais, des prix cassés chez Air France et l'envie de voir de mes propres yeux ce que je n'avais jamais pu observer que par media interposés.A ceux qui suivent mes notes sur ce blog, je préviens que le ton employé sera probablement plus informel qu'habituellement.

28 avril 2012. Les bagages sont prêts, les passeports sentent le neuf, les yens commandés auprès de la banque également, il ne reste donc plus qu'à partir en direction de la gare de Bruxelles Midi où un TGV nous emmènera directement à Roissy Charles de Gaulle. Après un enregistrement auprès du comptoir Air France de la gare bruxelloise, nous embarquons donc pour l'aéroport parisien. A bord du train, le faste le dispute à la prodigalité, puisque les passagers ont droit à une mini-boisson et une madeleine par personne! L'affaire étant réglée après une bouchée et deux gorgées, nous avons le loisir de jeter un regard oisif sur la campagne picarde avant d'arriver à destination. Une fois toutes les formalités d'usage accomplies, vient le moment d'embarquer. Il me faut avouer ici que l'avion n'est pas mon mode de locomotion favori, non pas que je craigne un accident, mais bien plus en raison d'un vertige prononcé qui me fait modérément apprécier la perspective de me trouver avec quelques kilomètres de vide sous le postérieur. Ayant signalé ce fait au chef de cabine dès mon entrée dans l'appareil, j'ai, pendant les onze heures qui ont suivi, eu la chance de bénéficier de l'attention sympathique, presque chaleureuse, du personnel de bord. Au final, bien qu'ayant broyé les accoudoirs au décollage, le vol s'est remarquablement bien passé. Il faut reconnaître que l'A-380 représente un beau bébé, stable et silencieux. Je découvre également à cette occasion la télévision individuelle, excellent dérivatif aux stressés dans mon genre. Après avoir vu Leonardo se faire bécoter par son assistant dans J. Edgar, James Bond et Indiana Jones flinguer des aliens dans Cowboys & Envahisseurs et Ryan Gosling gravir les Marches du Pouvoir - le tout en VF parce que la VOST n'est pas en option - bref, après avoir perdu quelques neurones et 2/10ème à chaque œil, j'entre enfin dans le vif du sujet avec l'atterrissage à l'aéroport de Narita.


Après avoir donné ses empreintes, s'être fait tirer le portrait et présenté le passeport à un agent ganté et masqué, nous pouvons récupérer nos bagages et passer à la douane. Si on en croit le nombre de valises ouvertes et fouillées par de scrupuleux fonctionnaires, ça ne s'annonce pas comme l'étape la plus facile. Cependant, donner le nom et l'adresse de nos hôtes japonais, ainsi que la station de métro la plus proche de leur domicile et, bien évidemment, la date à laquelle nous débarrasserons les tatamis, semblent avoir un effet positif sur notre interlocutrice en uniforme et nous entrons enfin officiellement sur le sol nippon. Il faut maintenant nous rendre de Narita à Tokyo pour y retrouver nos amis. Rien de plus facile: un monsieur d'un certain âge, équipé d'un brassard, nous invite à nous rendre au comptoir où nous attend notre première leçon du service à la japonaise. Grosso modo, traduit approximativement, ça donne l'échange suivant:

- Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre. Bonjour. Que puis-je pour vous?
- Bonjour. Je voudrais deux tickets pour Musashi-Kosugi dans le prochain Narita Express svp.
- Bien. Deux tickets de Narita à Musashi-Kosugi. Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre: voici vos tickets. Vous devez aller sur le quai X, prendre le wagon Y; vous asseoir aux places Z-A et Z-B. Voici votre heure de départ et votre heure d'arrivée. Cela fera ¥...  svp. Merci. Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre. Vous m'avez donné tel montant, je vous rends tel montant de monnaie. Merci. Le quai se trouve juste ici à votre droite. Merci et faites un excellent voyage.

Ah oui... Quand même... L’extrême politesse nippone n'est donc pas qu'un fantasme occidental! Que pourrait bien donner le même échange à Roissy?

- ...
- Bonjour. Je voudrais deux tickets pour Châtelet les Halles svp.
- 9.25€.

Évidemment, ça change. Mais oublions la mauvaise humeur parisienne et prenons la direction de Tokyo!

Narita Express
 

Arrivés à Musashi-Kosugi, nous retrouvons nos amis qui s'amusent de nous voir avec nos petites laines alors que la température locale flirte avec les 25°C. Après avoir repris les transports pour nous rendre dans la ville de Kawasaki, située en bordure de Tokyo, y déposer nos bagages et y prendre une bonne douche, nous sommes conduits dans un kaitenzushi, où de petits plats colorés chargés de sushis se succèdent sans fin sur un plateau tournant. A chaque couleur de plat est associée un prix, la pile finale servant à réaliser l'addition. Soyons clairs: il n'y a aucune comparaison possible entre les sushis nippons et ceux qu'on trouve dans les faux restaurants japonais qui ont essaimé dans nos contrées. La meilleure illustration me semble de préciser qu'il est inutile de mâcher le poisson couronnant ces sushis, celui-ci fondant littéralement en bouche. Ce goût et cette fraîcheur limitent pendant une bonne partie du repas ma conversation à des "oh my God", d'autant plus que les prix sont absolument ridicules! ¥170 l'assiette de base (moins de 1.50€!), sachant que ladite base passerait pour du grand luxe en Occident. Certains assortiments, particulièrement savoureux et donc plus coûteux, peuvent être commandés directement aux chefs présents derrière le comptoir. Une fois les estomacs rassasiés et mon imitation de Janice terminée, nous mettons le cap vers le bord de mer.





Mais d'abord, il nous faut prendre nos cartes Suica. Qu'est-ce donc? Ni plus ni moins qu'une carte magnétique, qu'on charge en argent à des bornes situées dans toutes les gares du Kanto, et qui permet ainsi de se déplacer sans devoir systématiquement acheter des tickets. Mais ce n'est pas tout, puisque la Suica peut être utilisée pour acheter des boissons aux innombrables distributeurs installés en pleine rue, voire même de payer ses courses dans certains combinis! Une fois munis de ce précieux sésame, nous nous dirigeons donc vers Yokohama


Rien de tel que l'air marin pour se revigorer après un long voyage et alors que le décalage horaire (7H) commence à se faire sentir. Trente heures seront bientôt passées depuis que j'ai bondi de mon lit, la veille au matin. Première surprise, en sortant de la gare, l'Isengard se trouve à Yokohama! Pardon pour la blague de geek, mais j'assume l'avoir faite en voyant ce building.



Plus sérieusement, Yokohama est le plus grand port du Japon et cette relation avec la mer et l'étranger ne date pas d'hier, comme le rappellent quelques documents fièrement affichés sur les panneaux municipaux.



Nous sommes dimanche et la foule se presse donc sur les espaces situés au bord de la baie. A notre grand amusement, nous observons que les locaux ont organisé, en ce 29 avril, une Oktoberfest. Plus traditionnelles, les carpes du kodomo no hi, la fête des enfants du 05 mai, sont déjà sorties et flottent paisiblement au vent. Nos pas nous mènent vers la grande jetée Ōsanbashi. Au cours de la balade, nous croisons également quelques éléments et constructions indéterminés qui ne manquent pas de nous laisser quelque peu perplexes jusqu'à ce que nous réalisions que nous longeons le parc de la trompe d'éléphant. Ça ne s'invente pas...

 
 


Vue sur Ōsanbashi
Vue d'Ōsanbashi
Vue depuis Ōsanbashi



Quoi de plus logique, lorsqu'on est au Japon, que de visiter le quartier chinois?... En l'espèce, le Chinatown de Yokohama est le plus grand du Japon et, apparemment, un lieu prisé des Japonais pour flâner le dimanche. On y trouve logiquement une architecture très chinoise, notamment dans les temples, qui servira de point de comparaison avec nos futures visites des lieux sacrés que nous serons appelés à découvrir lors de notre séjour. M'étant déjà gavé de sushis au déjeuner, je me contente de siroter un jus de fruit en regardant mes acolytes manger quelques brioches à la vapeur pour le goûter. Je commence seulement à découvrir le rapport étroit fait par les Japonais entre un lieu et le plat local: il semble d'une logique imparable, lorsqu'on se rend à un endroit, d'en déguster sa spécialité. Ne me demandez pas comment c'est possible, mais je sens alors mon estomac me jeter un regard inquiet...







N'étant pas particulièrement intéressé par tout ce qui se rapproche de près ou de loin de l'alimentation, j'avoue néanmoins que la journée s'est achevée par une étrange surprise. En effet, avant de rejoindre nos pénates, nous sommes passés par un depaato, id est un bâtiment empli de boutiques, au pied duquel se trouve le plus étonnant supermarché qu'il m'ait été donné de voir. Des monceaux de nourritures appétissantes se dévoilent dans un environnement brillant et d'une propreté impeccable! En dépit des innombrables étals, on n'est nullement encombré par l'odeur des différents mets. A chaque étal, une ou plusieurs vendeuses vantent les mérites de leurs produits et s'empressent de servir leurs clients. A vrai dire, le supermarché ressemble plus, dans l'esprit, à nos marchés couverts où cohabitent différentes professions qu'aux immenses rayons vides de personnel des hangars où nous achetons de la bouffe sous plastique. Je tiens à la précision: après les boutiques de vêtements, les supermarchés sont sans doute l'endroit que je trouve le plus ennuyeux au monde. Ici, je suis resté littéralement bouche bée d'émerveillement, ce qui ne sera ni la première ni la dernière fois du séjour, mais je ne m'attendais guère à ce que cela survienne dans un supermarché! Nous avons ensuite droit à un excellent dîner maison, accompagné de sake. Inutile de préciser qu'à la fin de cette très longue journée, nous tombons plus que nous ne nous couchons dans nos futons. Une bonne nuit de sommeil devrait nous permettre d'attaquer la suite!

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