samedi 19 mai 2012

Nihon e yokoso (III)

La découverte de Tokyo se poursuivra à la fin du séjour. D'ici là, il est temps de partir explorer de nouveaux territoires. Nos amis louent une voiture et nous voici partis pour Hakone, située à environ 70km au sud-ouest de la capitale. Là, nous prenons un téléphérique qui nous dépose dans l'Owakudani, un pan de montagne noyé dans les émanations de souffre... et dans le brouillard. Après une petite grimpette, nous arrivons aux sources volcaniques bouillonnantes dans lesquelles les Japonais mettent à cuire des oeufs, baptisés kuro-tamago en raison de la teinte noire prise par la coquille. Des cargaisons entières sont descendues dans la vallée au moyen d'un long filin. Quant à nous, c'est, sur place, donc au milieu d'une puissante odeur de prouts - ben oui, le souffre... - que nous sommes invités à les déguster. Et dire que les Japonais font la grimace devant l'odeur de nos fromages. Tss...



 




Livraison de kuro-tamago à destination d'Hakone
L'autre point d'intérêt d'Owakudani, c'est sa fort jolie vue sur le mont Fuji. Mais vous ai-je dis que nous étions dans le brouillard?...

Ce qu'on aurait du voir...

Ce qu'on a vu...

Si! Là! A gauche! Un bout du flanc du Mt. Fuji!...
Si Hakone dispose d'une belle réputation, elle tient en bonne partie à ses onsen, sources chaudes dues à l'activité volcanique locale, dans lesquelles les Japonais s'abandonnent avec délice. Rien de tel pour se détendre? Pas sûr. J'avoue que je me sens a priori moyennement à l'aise puisque les derniers inconnus à m'avoir vu dans toute ma nudité doivent probablement être l'équipe de la maternité où je suis venu au monde. Tant pis pour la pudeur: tout le monde à poil! Hommes et femmes séparés, ne nous emballons pas. Après s'être mis en tenue d'Adam, je vais prendre place au bout d'une rangée de tabourets en bois occupés par autant de Japonais et me savonne énergiquement. Pas de gant de toilette, mais une mini-serviette avec laquelle on peut également tenter de masquer son intimité, mais qu'il est interdit de mettre dans l'eau des onsen. Une fois récuré, je m'aventure vers le bassin le plus proche, en bois et partiellement couvert. §#*%!... C'est brulant! C'est ça, un onsen? Au meurtre! Deux petits vieux, immergés, devisent tranquillement. Pas question de se laisser "battre" par des vieillards et je me force donc à m'asseoir, mais la chaleur est telle que j'en ai le souffle coupé et que mon corps vire au rouge vif! Mon ami japonais s'approche à son tour, glisse un orteil: "atsui"! Il m'invite à rejoindre illico un autre bassin, à l'extérieur et creusé dans la roche. L'eau y est ici autour d'une quarantaine de degrés, ce qui est nettement plus supportable. Mon ami m'explique que le meilleur moment pour profiter des onsen consiste à s'immerger dans cette eau chaude en plein hiver: la sensation serait alors des plus agréables, ce que je n'ai pas de mal à croire. Il décide ensuite de faire le tour des autres bassins, tandis que je choisis de profiter de celui où j'ai trouvé refuge. Étant à flanc de montagne, les bassins s'échelonnent sur plusieurs niveaux et je me trouve dans la partie supérieure, légèrement masqué des autres thermalistes. Le Japonais a une faculté innée à se réfugier dans sa bulle, seul au monde et ne se préoccupant pas de ce qui l'environne. Seul dans ma source, j'essaye de faire de même, mais je ne peux m'empêcher de constater que toutes les personnes qui s'approchent de mon bassin font immédiatement demi-tour. A une dizaine de mètres, un type aux cheveux décolorés me fixent d'un air apparemment peu amène. Finalement, deux gamins, probablement inconscients du danger à partager un bain avec un gaijin, sautent dans le bassin que j'occupe, y entraînant de ce fait leur géniteur. Ayant suffisamment sacrifié à la tradition, je décide de retourner aux vestiaires. En chemin, je ne peux quand même pas manquer ce quinquagénaire, mains sur les hanches, bedaine en avant, pied sur une pierre, serviette nouée autour de la tête et petites lunettes rondes, qui contemple fièrement les onsen, tel un général victorieux parcourant du regard le champ de bataille. Mes zygomatiques tentent alors d'exercer une sévère pression sur ma mâchoire, mais je résiste et c'est d'un air impassible que je passe sous un portique où des courants d'air frais me sèchent en un tour de main. Par curiosité, je jette un œil au bassin que j'occupais: cinq personnes y ont pris place. Les quelques minutes que j'y ai passées ne semblent donc pas avoir définitivement pollué la source. Rassuré, je peux quitter les lieux et retrouver mes comparses:
"- Alors? Alors? Tu as aimé? C'était comment?
- Chaud."


 Nous reprenons la voiture, en direction de Kamakura, ancienne capitale des shogun Minamoto. Nous commençons par rendre visite au grand bouddha Amitabha (13m de hauteur), en bronze et datant du XIIIème siècle. Détail amusant, la statue est creuse et quelques personnes s'autorisent à y pénétrer, contemplant la foule des visiteurs de haut.




Nous nous rendons ensuite au Tsurugaoka Hachiman-gū, le principal sanctuaire shinto du Kamakura shogunal. A l'entrée des lieux, des milliers d'émules ont écrit leurs vœux sur de petites plaques de bois qui sont ensuite suspendues aux emplacements prévus à cet effet. On peut également tirer une prédiction et attacher à des fils les petits morceaux de papier ayant eu le malheur de prédire de la malchance, en attendant qu'un prêtre s'occupe de les incinérer avec force prières. Tout cela contre menue monnaie. Les temples shinto ont en effet ceci d'étonnant que religion et commerce y sont étroitement liés. On paie avant de prier, comme pour acheter les souvenirs ou omamori vendus par les miko à l'intérieur même des sanctuaires. Une méthode gagnante pour faire des offrandes aux divinités et revenir de son pèlerinage avec une preuve tangible de leur bénédiction. Autre conséquence positive, les temples sont parfaitement entretenus et dans un remarquable état de conservation.




Japon, entre tradition et modernité: le distributeur automatique de prédictions! :)





Alors que la nuit tombe, nous nous rendons au port de Misaki, réputé dans tout l'archipel pour la qualité de son thon. Assis sur des tatamis, autour d'une table basse, nous nous régalons d'un thon fondant comme du beurre et d'assortiments de champignons.




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