vendredi 18 mai 2012

Nihon e yokoso (II)

J'ai oublié dans mon récit de ma première journée au Japon, un petit évènement venu compléter le tableau. En effet, l'archipel souffre régulièrement, parfois dramatiquement comme l'ont prouvé les évènements du 11 mars 2011, des soubresauts de la nature. Le dimanche soir, les portables de nos hôtes poussent une alarme stridente, un cadre rouge vif apparaît à l'écran de la télévision et je ressens, pour la première fois de ma vie, un tremblement de terre. L'épicentre se trouve près de la préfecture de Chiba, où il semble atteindre une magnitude de 4 sur l'échelle de Shindo (qui compte 7 niveaux): il n'est plus qu'à 3 à Kawasaki, où nous nous trouvons. Nous sommes au 11ème étage d'un immeuble récent et donc construit suivant des normes anti-sismiques sévères. Le bâtiment tangue doucement, la sensation est curieuse, pas franchement terrifiante... mais on imagine sans mal cette seconde d'angoisse des Japonais lorsque les alarmes retentissent: serait-ce le grand tremblement de terre de Tokyo? Pas cette fois...

Quoiqu'il en soit, une nouvelle journée nous attend et, après un copieux petit-déjeuner composé d'onigiri, d'omelette, de soupe miso et autres, nous partons à la découverte de Tokyo. Comment se rendre à notre destination? Rien de plus facile: il suffit de consulter le plan des trains et métros de Tokyo...



Heureusement, nos amis japonais sont là pour nous guider lors des déplacements de cette semaine. Il suffit de suivre et cela laisse l'opportunité d'observer discrètement le monde qui nous entoure. Commençons par les futilités: apparemment, les hommes japonais en congés portent tous la chemise en-dehors du pantalon et, à part quelques rebelles du système, ne mettent pas les mains dans les poches. Dont acte. Sur les quais, des messages sont énoncés quasiment en continu. A l'intérieur des trains et des métros, idem: des alertes préviennent du démarrage, de la prochaine destination, du terminus, puis à l'approche de la gare, à nouveau le nom de la station, attention à ne pas tomber ni oublier ses bagages, remerciements et le cycle reprend. C'est ce qu'on appelle être pris par la main. Autre phénomène rapidement ressenti: les usagers semblent extrêmement réticents à s'asseoir à côté des gaijin que nous sommes. A quelques exceptions près, même lorsque le wagon est bondé, les Japonais préfèrent attendre qu'une autre place se libère plutôt que d'user de la place libre à nos côtés. L'impression n'est pas des plus plaisantes et il faudra attendre la toute fin du séjour pour découvrir la cause de cet ostracisme marqué.

Sur ces réflexions, nous voici rendus à Akihabara, quartier réputé pour être un repaire de fans de technologies, mais aussi d'animes, mangas, idols et de leurs produits dérivés. A la sortie de la station, nous entrons dans Yodobashi, immense bâtiment où les rayons débordent d'appareils et d'accessoires technologiques pour le grand public. On s'y perdrait. Ici aussi, des hordes de vendeurs vantent les mérites de leurs produits et interpellent les clients déambulant dans les travées. Détail amusant, au moins une célébrité est étroitement associée à une marque ou un produit, et leurs portraits se trouvent affichés dans toutes les tailles dans le moindre espace vide: une dizaine de Kimura Takuya de papier m'invitent ainsi à me précipiter sur le petit dernier de Nikon. Qu'on se rassure: je résiste!


 


Par curiosité, nous passons dans un autre bâtiment de plusieurs étages consacrés aux mangas, animes et leurs génériques, figurines et autres. La profusion de produits en vente est telle qu'il est à peine possible de se croiser dans les rayons! Retour au grand air. En parcourant les rues d'Akihabara, sous les enseignes aux couleurs agressives et les néons, nous passons devant des pachinkos, des cabines à purikura et toujours des boutiques dont les étals disparaissent sous des monceaux d'appareillages informatiques, de déguisements ou de produits dérivés des animes à la mode. Des écrans de toute taille crachent de la musique pop/electro et les derniers tubes des idols de passage, le tout entrecoupé d'innombrables messages publicitaires. Dans les rues, des dizaines de jeunes femmes, en tenues de servantes ou de lycéennes, tendent des prospectus aux passants. Jupe minimaliste, air juvénile, messages ponctués de piaillements censément kawaïi... il ne faut pas chercher bien loin à quels pulsions ou instincts primaires on fait appel chez le client potentiel. Je ne peux pas dire que je me sente très à l'aise avec ça.

Akihabara = AKB, donc ce n'est pas comme si j'avais le choix. Mes excuses aux victimes.




 


Changement radical. Nous voici à Asakusa, le quartier traditionnel de Tokyo. Nous passons d'abord par un magasin/restaurant qui présente des armures rutilantes, fidèles reproduction de celles portées par les samouraïs d'antan. Nos pas nous mènent ensuite vers le cœur du quartier, là où se dresse le temple bouddhiste Senso-ji, au bout d'une longue rue bordée de boutiques à touristes. Nous sommes au début de la Golden Week et le quartier est littéralement bondé! On y croise également des vendeurs ambulants, des marionnettistes, des tireurs de pousse-pousse, une loterie... Après avoir traversé la foule, nous pouvons nous purifier l'esprit en inspirant l'encens qui émane d'une large vasque, puis les mains et la bouche avec l'eau d'une fontaine, et nous voici parés pour entrer dans le sanctuaire, y prier ou y acheter une prédiction contre une modeste pièce de ¥100. Comme dans la plupart des temples, les photographies sont interdites à l'intérieur du bâtiment. A l'extérieur de celui-ci sont suspendus de gigantesques sandales O-Waraji (4.5m pour 2.5T), censés favoriser les voyageurs.





 







 




S'ensuit une pause gastronomique où nous sommes conviés, comme de bien entendu, à consommer la spécialité locale, tempura ou unagi. Autour du quartier du temple se trouvent des galeries commerçantes où on trouve aussi bien des geta et sandales que des shuriken, et où nous déambulons avant de reprendre le métro en direction de Shibuya.






Le carrefour de Shibuya est sans doute l'un des lieux les plus connus de Tokyo. Lorsque toutes les voitures sont arrêtées, le signal pour les piétons devient vert en tous points du carrefour, occasionnant une ruée venant et partant de toutes les directions à la fois et cette impression de fourmillement si caractéristique. C'est aussi ce quartier plutôt branché où de jeunes adultes se donnent rendez-vous devant Hachiko avant d'aller acheter les derniers vêtements et accessoires à la mode. Talons hauts, cheveux décolorés, fringues de marque, bref un look impeccable... la shibuyette se repère de loin, ainsi que son comparse masculin à la coupe de cheveux sophistiquée. Plutôt flatteur pour ma terre natale, je remarque une utilisation extensive du français dans les enseignes, slogans et produits, constituant apparemment un gage de qualité et de "branchitude", quitte d'ailleurs, à ce que cela ne veuille pas dire grand chose. Peu importe puisque la démarche se veut uniquement marketing.




 





Nous sommes sans doute un peu trop vieux et dépassés pour Shibuya, mais nous avons encore de l'énergie à revendre en cette fin de journée, aussi décidons-nous de nous rendre au karaoké. Au Japon, chacun y dispose de son propre petit salon, avec télévision et micros, dans lequel on a toute liberté de brailler à tue-tête sans craindre le regard d'inconnus. Le catalogue est plutôt impressionnant, les enceintes crachent puissamment et, sens du détail toujours, à la fin de chaque chanson est affiché le nombre de calories perdues en s'époumonant! Nous finissons la soirée dans une izakaya enfumée où, à l'image d'habitués joyeusement bruyants, nous descendons bières sur bières - vu le faible degré d'alcool des bières japonaises, on peut voir venir... -  en grignotant tout un ensemble de petits plats simples: tsukemono, edamame, brochettes, frites... Ne restera plus qu'à regagner nos pénates en suivant la ligne la plus droite possible.

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