lundi 21 mai 2012

Nihon e yokoso (IV)

Notre base de repli à Kawasaki est un appartement situé au 11ème étage d'un immeuble qui en compte 14. Le quartier, résidentiel, se partage entre de grandes barres d'immeubles et des maisons individuelles très récentes, le tout noyé dans une végétation touffue. Je constate, étonné, qu'en dépit de la modernité des lieux, les fenêtres ne sont pas en double vitrage. Dans ce quartier où résident des centaines, sinon des milliers de personnes, je m'attends donc à être réveillé tous les matins par les bruits d'activité humaine. Pas une fois, et je le répète, pas une fois, je ne fus réveillé par les voix du voisinage. La discrétion au service du civisme et du bien-vivre ensemble. Admirable. En fait, ce qui m'a tenu lieu de réveil chaque matin furent les croassements des corbeaux japonais, énormes volatiles, au moins deux fois plus gros que leurs congénères européens.

Ce matin-là, après un rapide passage au combini pour acheter le petit-déjeuner, nous reprenons la voiture et traversons Tokyo pour nous rendre au nord de la capitale, au pied des montagnes. J'avoue que les odeurs mélangées des onigiri et du melon pan ne me réussissent pas. Aussi, à 11H30, lorsque nos amis proposent de déjeuner immédiatement pour profiter d'une longue après-midi, je deviens aussi pâle que du tofu. Nous sommes dans la région du maitake, un champignon géant réputé pour ses vertus médicinales, mais je me contente de siroter un peu de thé vert pendant que mes camarades accompagnent la spécialité locale de soba.

L'arrêt suivant nous amène à Nikko, centre religieux shinto où se trouve le mausolée du fameux shogun Tokugawa Ieyasu. La visite commence bien puisque le premier bâtiment est en complète réfection. Peu importe car le site est vaste et le principal reste visible. Accompagnés par le son d'une lourde cloche cérémonielle et sous une pluie régulière, nous nous enfonçons dans un bois touffu, où la mousse qui dévore les pierres et la multiplicité des espèces arboricoles, offrent aux visiteurs un univers aux multiples nuances de vert de toute beauté. Dans le sanctuaire, les bâtiments sont superbes et ornés de décorations dont le niveau de détails est ahurissant! Accéder au mausolée du shogun se mérite et, après nous être faufilés sous les linteaux où se tiennent le nemuri-neko et les trois singes de la sagesse, il nous faut encore gravir environ 200 marches pour nous recueillir devant le fondateur d'une lignée qui présida au destin du Japon pendant près de trois siècles. Aussitôt montés, aussitôt redescendus. Après nous être déchaussés, nous pénétrons avec la foule dans une salle du temple où, à l'issue d'une courte cérémonie pendant laquelle mon ami me souffle quand m'incliner et quand frapper dans mes mains, le prêtre nous offre sa bénédiction.












nemuri-neko, le chat endormi...

... à moins qu'il n'essaye de surprendre les oiseaux (situés de l'autre côté de la porte)?

Mausolée de Tokugawa Ieyasu


Nantis de cette précieuse bénédiction, nous pouvons nous engager sereinement sur la fameuse Iroha-zaka, une route de montagne escarpée tout en lacets. Est-ce pour occuper l'esprit des enfants qui risqueraient d'avoir mal au cœur? A chaque virage se dresse un panneau avec une lettre de l'ancien alphabet japonais: 48 virages pour 48 lettres classées dans l'ordre alphabétique. Au bout de la route, la récompense: kegon no taki, une chute d'eau vertigineuse, haute de 97m. Comme d'habitude, un petit vieux en uniforme nous indique l'emplacement d'un parking et guide les manœuvres de stationnement des véhicules. Nous prenons un large ascenseur qui s'enfonce de 100m dans la montagne pour nous déposer au pied de la chute. La pluie a redoublé et nous sommes quasiment en pleine tempête. Ajoutons à cela un peu de brouillard et nous devons nous contenter d'une vue limitée. Je ne sais pas si c'est mon ADN breton qui prend les commandes, mais me voilà à avancer tête nue sur la plateforme la plus proche de la chute pour profiter à plein du vacarme wagnérien qui émane de l'endroit. Bilan: je suis trempé comme une soupe. Merci la Bretagne.




Iroha-zaka, nous voilà! Cette fois pour redescendre et rejoindre l'autoroute qui nous ramènera à Tokyo. Petite pause en chemin dans une aire d'autoroute. Au cas où vous auriez oublié de rapporter de votre voyage la ou les spécialités régionales, les magasins autoroutiers vous offrent une dernière chance. Cette fois, c'est mon ADN normand (bâtard breton pour les Normands, bâtard normand pour les Bretons, je suis le produit d'une histoire familiale shakespearienne...) qui s'agite. La raison?...

Cheesecake au... camembert!
Traitreusement, à peine revenus à Kawasaki, la moitié féminine de notre équipée décide de passer par un magasin de chaussures... Peut-être pour me soigner de ce vicieux coup de poignard dans le dos, nos amis nous emmènent dans un restaurant spécialisé dans le yakiniku, id est le barbecue à la japonaise. Je le confesse: je suis trop occupé à me goinfrer pour prendre des photos... La soirée s'achève par une séance photo de ces dames dans un purikura. C'est beau de savoir rester jeune. Pendant ce temps, un client remporte le jackpot au pachinko: le bruit incessant des centaines de pièces tombant en cascade dans son escarcelle me raccompagne jusqu'à l'appartement.

Aucun commentaire: