Dans mes précédentes notes, j'ai souvent relevé le rôle des femmes et la place qui leur semble accordée dans les dramas et, par voie de conséquence, possiblement dans la société japonaise. Eu égard à ce qu'il me semble percevoir de ladite société, il m'a régulièrement semblé que les séries n'hésitaient pas à mettre les femmes à l'honneur en proposant des personnages féminins sortant des sentiers battus et souvent plus décidés, courageux ou intelligents que leur contre-partie masculine. Saitou-san est un drama totalement consacrée aux Japonaises et ce qu'il nous en dit m'a, pour le coup, laissé interloqué et dubitatif.
La famille Mano, composée d'un couple et de leur jeune fils, s'installe dans son nouveau quartier et la préoccupation première de son élément féminin, Wakaba (incarnée par Mimura), consiste à se faire bien voir de son nouveau voisinage. Dans ces circonstances, elle se trouve quelque peu indécise entre cet impératif et son attirance pour Saitou Masako (jouée par Mizuki Arisa), une mère de famille qui n'hésite pas à mettre les points sur les "i" à toutes les personnes qui s'écartent un tant soit peu des règles, qu'il s'agisse de femmes du quartier, de personnes âgées, de lycéens, de voyous ou autres. Intégrant le petit univers des mères de famille dont les enfants sont scolarisés à l'école maternelle du quartier, Mano Wakaba se trouve rapidement devoir choisir entre cette femme isolée et le front uni formé par toutes les autres.
Il est assez amusant d'observer que, dans une société aussi policée que le Japon, la personne qui défend les règles peut facilement se trouver déjugée pour le trouble qu'elle crée à la quiétude publique. Ainsi, si Saitou-san reçoit les applaudissements de passants anonymes pour avoir admonesté un homme ayant brulé par inadvertance avec sa cigarette le visage d'un enfant, elle se voit presque expulsée de l'école par les mères du quartier pour ne pas avoir fermé les yeux sur les déprédations provoquées par une bande de lycéens en maraude! Bien évidemment, ces petites lâchetés qui poussent à jouer l'ignorant par peur des représailles ne sont pas exclusives aux femmes au foyer japonaises! Malheureusement, ce comportement s'avère des plus courants, là-bas, ici ou ailleurs. Le parti-pris systématique pour le profil bas de la part des femmes interprétées à l'écran n'en donne cependant pas une bien belle image. On peut d'ailleurs ajouter à ce tableau machiste, la récurrence des piaillements, l'absence de sang froid devant les évènements sortant de l'ordinaire, etc. On peut penser qu'il s'agit ainsi de particulièrement mettre en valeur le personnage de Saitou-san... ou que peut-être cela participe d'une représentation générale de la femme japonaise. J'y reviendrai. Ce drama se révèle en tout cas, sur ce point, comme une leçon de courage, portée par un personnage dont la motivation repose sur un beau principe: si nous voulons que les enfants soient des personnes de bien, il faut leur enseigner par l'exemple le respect de certaines règles. S'agissant de la société japonaise, on peut estimer que l'ensemble normatif ressemble parfois à un carcan, mais l'idée générale n'en reste pas moins recevable, du moins de mon point de vue. Oui, je suis probablement un affreux réactionnaire...
Mais peut-être pas autant que les scénaristes, producteurs et autres personnes ayant commis Saitou-san. Les interprètes de cette série ne jouent en effet pas des femmes. Elles jouent des mères. Et la dichotomie entre ces deux états est fondamentale, à un point difficilement imaginable. Leur vie se révèle totalement et exclusivement concentrée sur leur progéniture. Elle est rythmée par les horaires de l'école et le moindre incident impliquant les enfants représente un drame ou un scandale, quand il ne provoque pas des réunions parentales, pardon, "matriarcales" à répétition. Tout ce qui survient à l'école de près ou de loin fait l'objet de commérages lors de la pause thé que ces mères de famille s'offrent en groupe compact, leur vie sociale se limitant à ce bien petit horizon. De fait, lorsque les charmants bambins sont en classe, la mère devient femme de ménage et intendante. Leur univers s'en trouve étriqué de façon impressionnante! Rien n'indique que ces personnes s'accordent du temps pour lire, sortir, se cultiver, en somme consacrer du temps à leur propre développement personnel et intellectuel. Leur énergie, comme leurs pensées, se focalisent uniquement sur l'enfant, son éducation, ses besoins et les grandes ambitions que la mère porte envers son rejeton. Le couple mère-enfant écrase d'ailleurs complètement celui formé avec le mari, celui-ci se trouvant relégué, au mieux, comme support moral pour fin de journée. On note d'ailleurs, que ces mères ne semblent plus guère porter d'attention à leur féminité: habillées et coiffées à la diable à peu près en toute circonstance, elles deviennent des êtres asexués pour lesquels j'imagine difficilement qu'on puisse ressentir une grande attirance.
Ce qui m'interpelle dans Saitou-san tient à ce que cette série a été faite pour que le public s'y retrouve. Par voie de conséquence, même en se gardant de généraliser et en tenant compte de la thématique du drama, la mère de famille telle qu'elle y est représentée ne doit pas être loin de la réalité, d'autant plus si on en croit les jolis scores d'audience décrochés par la série. J'imagine que les opinions sur la posture de ces Japonaises divergent selon la place qu'on trouve adéquate d'accorder à ce rôle de mère de famille. Je garderai donc mes réflexions pour moi, même si on aura compris que je suis plutôt porté à croire que l'être humain, quel que soit son genre, peut regarder vers des horizons plus élargis. Quoi qu'il en soit cette série a le mérite de provoquer lesdites réflexions et c'est bien en cela qu'elle peut valoir le coup d’œil.
Pas plus que cela d'ailleurs, car, si l'histoire se suit sans déplaisir, les principales protagonistes étant plutôt sympathiques, elle demeure plutôt convenue, sans surprise, terre-à-terre, voire un peu ridicule comme lorsqu'une armée de "shibuyettes" déboule avec seaux et balais pour nettoyer bénévolement des graffitis tagués sur l'école... quels pouvoirs de persuasion ont les leçons de morale de Saitou-san! J'en souris encore. En somme, une série à réserver essentiellement aux sociologues en herbe intéressés par le rôle réservé à la femme, sinon dans la société japonaise, du moins sur son petit écran.
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7/10 : At least worth checking out.
Official Site
The complete details about Saitou-san on drama-wiki
Saitou-san with English subs
2 commentaires:
Ce drama est sur ma liste depuis quelque temps, et tu confirmes bien qu'il est intéressant du point de vue sociologique ! Je vais donc le garder au chaud dans mes tiroirs et essayer de lui trouver une place dans mon programme sans attendre trop longtemps.
Merci pour ce billet !
Je ne crois pas avoir vu de billet sur ce drama ailleurs - ou peut-être ai-je mal cherché? - donc je serai curieux de lire ta critique lorsque tu l'auras vu.
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