Au Japon, le 14 mars est la date du "White Day", journée au cours de laquelle les hommes remercient par des cadeaux les femmes qui leur ont offert des chocolats à la Saint Valentin. Si on se fie à la page d'accueil de Google, il s'agit également de la date de naissance et de décès (!) de Yoshizawa Akira, maître es origami. Comme je n'ai pas encore eu le plaisir de visionner une série sur l'art japonais du pliage, le sujet de ce billet sera donc l'un des plus célèbres dramas romantiques de la télévision japonaise, Love Generation.
On ne saurait faire plus explicite que le titre de cette série... Audience moyenne: 30.7%. Premier rôle: Kimura Takuya. Tels sont les deux points qui m'ont conduit à vaincre mes réticences pour regarder ce drama. Il faut dire, qu'en sus de son titre, le synopsis ne manquait pas de m'inquiéter. Jugez plutôt. Katagiri Teppei, jeune publicitaire, est expédié au service commercial où il retrouve l'inconnue d'une nuit, Uesugi Riko, qui lui mène la vie dure avant de tomber peu à peu amoureuse de lui. Manque de chance, Teppei se révèle toujours entiché de son ex, Mizuhara Sanae, qu'il retrouve par hasard et dont il apprend qu'elle sort maintenant avec son frère aîné, Katagiri Soichiro. Ouf! Vous pouvez ajouter à ces protagonistes, quelques personnages secondaires qui jetteront leur dévolu sur l'un ou l'autre des membres de ce quatuor et vous aurez une idée du triang... carr... hexago... bref, du bazar amoureux auquel le téléspectateur se voit confronté au cours des 11 épisodes de Love Generation.
Plus sérieusement, cette série me semble en dire beaucoup sur la jeunesse japonaise des 90's. Riko, Teppei et leurs amis sont de jeunes adultes libérés et de leur temps: ils sortent, boivent, s'amusent, draguent voire couchent. La sexualité est d'ailleurs évoquée de façon beaucoup plus ouverte que dans les dramas actuels. Ils sont à l'opposé d'un modèle plus rangé, dont l'une des incarnations est bien sur le couple traditionnel. L'affection est présente dans la formation de celui-ci, mais, semble-t-il, à part égale avec la raison. Or, ce que cette génération, représentée par les deux personnages principaux, recherche n'est autre que la grande histoire d'amour, celle des films, des romans, celle où la raison se voit balayée par la passion. Cette irrationalité du sentiment amoureux représente le fil conducteur de l'attitude des protagonistes de cette série. Retenue, contrôle de soi, répression de ses sentiments profonds... le message de Love Generation se révèle limpide: de telles constructions morales ou sociales s'écroulent devant le caractère irrésistible de l'amour. Preuve en est que même l'archétype du couple japonais tel qu'il est valorisé dans la société nippone, incarné par Sanae et Soichiro, s'en trouve plus que chahuté.
De cet amour en forme d'absolu résulte d'autres sentiments: la peur, la jalousie, la souffrance... Plus on aime, plus on craint d'être blessé par l'absence ou le mensonge, le risque étant de voir cette peur prendre le dessus sur tout ce que la relation amoureuse peut générer de bon et de beau. Ce drama a le mérite de ne pas se satisfaire de l'admiration et de l'attirance naturellement ressenties à l'égard du sentiment amoureux. Il en montre les pièges et les contraintes, mais également ce qui constitue le remède aux doutes et aux souffrances des êtres transis d'amour: la confiance. A une relation qui s'éveille se trouve souvent liée une intensité incomparable du sentiment amoureux, mais c'est également le moment où le couple peut s'avèrer le plus fragile. Il se découvre à peine alors même que la confiance est l’œuvre du temps. Love Generation ne manque pas de le rappeler avec justesse, même si, pour mettre en exergue cette valeur-clé, la série n'hésite parfois pas à user et abuser de ressorts scénaristiques un peu faciles.
J'en profite d'ailleurs pour faire un court encart sur la question de la pomme, qui ne manquera pas d'interloquer ceux qui visionneront ce drama. En effet, une pomme de cristal apparaît pratiquement à chaque plan de cette série avec pour ambition de symboliser la fragilité de l'amour. Il semblerait qu'aux yeux de certains, la pomme ait une forme de cœur et je ne ferai pas l'insulte aux lecteurs d'expliquer le symbolisme du cristal. Autre conséquence, ladite pomme de cristal participe du générique probablement le plus kitsch de toute l'histoire de la télévision japonaise. Vous êtes prévenus.
Pour revenir sur les acteurs, j'ai, bien évidemment, accroché à celui de Teppei, joué par Kimura Takuya. En 1997, KimuTaku possède déjà la présence et le naturel qui lui donnent son indéniable charisme. Son personnage de jeune adulte est globalement réaliste: il aime s'amuser, a son petit caractère, se révèle parfois un peu boudeur, un peu obsédé, tour à tour moqueur, charmeur, sensible, et parfois hésitant et perdu entre des sentiments contradictoires. J'ai eu plus de mal avec Uesugi Riko, le personnage incarné par Matsu Takako. Son caractère versatile m'a plus d'une fois laissé dubitatif. Pour écrire même les choses crûment: quelle emmerdeuse! Cependant ma compréhension a grandi au fur et à mesure que sa sensibilité d'écorchée vive se dévoilait, sans compter que l'alchimie du couple vedette s'avère très réussie. Difficile de reconnaître Uchino Masaaki dans Soichiro, personnage aussi terne que les rôles de cet acteur furent extravagants dans Rinjo ou JIN. Victime des déchirements entre ses envies et son devoir, ce personnage sans charisme s'avère intéressant par le coup ainsi porté à un certain archaïsme, voire à une certaine hypocrisie, du couple traditionnel, respecté socialement mais parfois oublieux des ressorts du cœur humain. J'en finirai, un peu sèchement, avec le personnage de Mizuhara Sanae, joué par Junna Risa, qui m'a laissé parfaitement insensible. Difficile d'éprouver beaucoup d'empathie pour un protagoniste aussi fade.
Quelques compléments avant de conclure. Si les sentiments éprouvés par Katagiri Teppei sont portés aux nues par Love Generation, sa construction en tant qu'adulte responsable sent le conformisme à plein nez. Dommage que le drama ne se révèle pas aussi revendicatif sur ce point qu'il l'est sur la jouissance des passions amoureuses. A contrario, la meilleure amie de Riko, incarnée par Fujiwara Norika (Miss Japon 1992), joue ouvertement de ses charmes pour attirer les hommes dans son lit, y compris ceux des autres, ce qui en fait un personnage provocant et pas forcément très moral mais qui ne semble pourtant pas le moins du monde condamné par ses pratiques. Apparemment, une sexualité débridée est plus recevable sur le petit écran japonais qu'un écart au modèle social du bon travailleur nippon. Au débit de ce drama, on relève également l'emploi réellement abusif des coïncidences malheureuses: elles constituent le gros point faible du scenario.
Sur la forme, il faut avouer que la série fait son âge, même si son réalisme de fond, rafraîchissant eu égard aux romances aseptisées de ces dernières années, aide à surmonter ce défaut. On note que le thème principal, composée des chansons jumelles Hear me Cry par Cagnet et True True par meo, réussit parfaitement à introduire, au cours des nombreuses scènes où il intervient, un sentiment de grande mélancolie.
Une certaine pudeur fait qu'il n'est pas forcément aisé d'écrire sur un sujet tel que l'amour, mais la façon dont ce sentiment est abordé et offert par Love Generation mérite à mon sens qu'on s'y attarde. Ce drama n'entre pas dans la catégorie de mes séries préférées, mais sa sincérité m'a interpellé et m'incite à le recommander à tous ceux et celles qui apprécient les œuvres qui savent (bien) parler d'amour.
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7/10 : At least worth checking out.
The complete details about Love Generation on drama-wiki
Love Generation with English subs
2 commentaires:
Il y a quelques semaines en fixant mon programme dramatesque pour les mois à venir je me suis demandé si je devais inclure ce drama, mais je n'étais franchement pas motivée. Il faut dire que si j'ai toujours beaucoup aimé Kimu, j'ai été déçue dernièrement. Mais il me reste quelque uns de ses vieux drama à voir, et je te fais confiance si tu dis que celui-ci mérite d'être vu. On va garder ça au chaud pour plus tard ^^.
Ce n'est pas un indispensable, bien que ce soit un monument du petit écran nippon, mais cette romance a quelques qualités et, si tu accroches au couple principal, tu devrais même passer un bon moment.
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