lundi 20 février 2012

Konkatsu!

Cette critique risque de s'avérer passablement brève, Konkatsu! étant un drama qui ne mérite pas vraiment qu'on s'y attarde. Je m'attendais certes à une comédie légère, mais certainement pas à devoir regarder un cours de rattrapage sur le mariage pour écoliers.

Le casting me laissait espérer une série humoristique mais capable, grâce au talent et à l'expérience de ses acteurs, de dispenser quelques moments d'émotion aussi bien qu'un regard subtil ou critique sur l'institution maritale. Il n'en fut rien. A vrai dire, j'eus même du mal à reconnaître certains acteurs, à commencer par la tête d'affiche, Nakai Masahiro, dont les mimiques - bouche en cul de poule, yeux écarquillés, regard bovin... - m'ont empêché pendant plusieurs épisodes de reconnaître le pourtant remarquable Waga Eiryo de Suna no Utsuwa. Est-ce à mettre au crédit de son talent d'acteur? Plutôt au débit d'une série où on retrouve également un Sato Ryuta (Kisarazu Cat's Eye, Pride, Rookies...) plus excité que jamais, au point d'en être parfois fatiguant. On sera au moins reconnaissant à Ueto Aya (Attention Please...) d'avoir réussi à se montrer plus quelconque qu'énervante dans ce drama. Quant aux personnages secondaires, tels Kohinata Fumiyo ou Ryo, qu'on a toujours plaisir à retrouver d'un drama à l'autre, ils n'avaient pas les moyens d'extirper à eux seuls cette série de sa médiocrité générale.

Car finalement, si tous ces personnages se révèlent sans grand intérêt, la faute semble en incomber principalement à un scénario primaire et infantilisant. Dans un quartier populaire en voie de disparition, faute de renouvellement des générations, toute la population se retrouve plus ou moins impliquée dans la recherche d'une partenaire pour l'un des derniers "jeunes" du voisinage. Ce faisant, Konkatsu! nous propose deux modèles féminins: la romantique et l'intéressée. La première est la version générique de l'héroïne amoureuse japonaise à tendance sacrificielle, bref un fantasme doucereux mais sans grande saveur. La seconde incarne ces femmes qui, plus que la passion, souhaitent avant tout trouver un statut et un confort dans le cadre du mariage. Non, inutile de chercher des nuances dans ces archétypes, vous n'en trouverez pas. On devine d'ailleurs lequel des deux modèles s'imposera comme le meilleur au final... Paradoxalement, malgré le grotesque des mises en situation, toute l'ambition du drama sera de souligner que le mariage est une chose sérieuse qui mérite d'amples considérations. Quelles sont-elles? On n'en saura jamais trop rien, mais comme à l'évidence il s'agit surtout de dédramatiser (sic) la peur que les nouvelles générations japonaises pourraient avoir à l'égard de cet engagement, la forme humoristique restera privilégiée sur le fond. Cela ira d'ailleurs jusqu'à certaines extrémités, comme ces jeunes au look de lycéens pris d'un intérêt subit et inexplicable pour un mariage dont leur immaturité devrait les tenir éloigner encore pour quelques temps.

Vous aimez les chats? *sourire* Et la poterie? *effleurements* Moi aussi! Et vous gagnez 2M¥ par an? Nous avons tellement de choses en commun! Marions-nous! *rires*

Le Japon, qui n'est au demeurant pas le seul dans ce cas, se trouve aux prises avec une désaffection pour l'institution du mariage. Qu'apporte ce drama sur le sujet? Qu'apprend-on sur le mariage au Japon? Sur les motivations, les peurs, les inquiétudes ou les espoirs des personnes cherchant à créer un couple? Rien. Qui plus est, s'agissant de la forme, je me contenterai de souligner que, si j'avais envie d'être pris pour un demeuré, je regarderais TF1. Au final, on l'aura compris, regarder Konkatsu! s'est avéré une perte de temps et je ne vous ferai pas perdre d'avantage le vôtre avec cette série très dispensable.


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4/20 : The question is: for how many episodes will YOU be able to stand it?


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Konkatsu! with English subs

jeudi 9 février 2012

Homo Japonicus

Au fil de mes découvertes sur la société japonaise, j'ai ressenti de manière récurrente le besoin d'en apprendre plus que ce que la petite lucarne télévisuelle pouvait me dispenser. Ces dernières années, j'ai donc lu quelques ouvrages qui m'ont offert de très intéressants études ou points de vue sur le Japon et les Japonais et, par voie de conséquence, des niveaux de lecture complémentaires des fameux dramas, objets de ce blog.

Je me propose donc de soumettre sur ces pages quelques-uns de ces ouvrages, en commençant par l'un des plus connus d'entre eux, Homo Japonicus, par Muriel Jolivet.
Sociologue française installée et travaillant au Japon depuis plusieurs décennies, l'auteur a compilé dans ce livre, paru en 2000, un nombre conséquent d'entretiens avec des hommes japonais afin de revenir sur la place que la société nippone contemporaine leur offre, alors même que la crise économique et sociale frappe, depuis les années 90, un archipel jusqu'ici sûr de la force de son modèle. Ce recueil de témoignages s'organise en cinq chapitres, dont les thèmes sont grossièrement les suivants:
- Le rapport du Japonais à son travail et l'extraordinaire investissement physique et moral requis par les entreprises vis-à-vis de leurs salariés.
- Le Japonais dans son couple, la dissolution du lien marital et sa conséquence sur le comportement des femmes, en particulier vis-à-vis de leurs enfants.
- Le rôle fragilisé du père dans le foyer japonais.
- Les comportements marginaux dans la société japonaise, notamment l'homosexualité.
- Le traitement social des exclus.
Sur tous ces points, l'ouvrage de Muriel Jolivet, appuyé sur les témoignages collectés, dresse un véritable réquisitoire à l'égard du modèle social japonais: la répartition des tâches par genre, le désinvestissement des hommes dans leur foyer, l'omniprésence envahissante du lien maternel, mais aussi la culture de la honte, l'écrasement de la personnalité, le rejet de toute différence... les sujets ne manquent pas!

Il apparaît cependant nécessaire de garder un certain recul à l'égard de ces critiques. La construction même de l'ouvrage limite nécessairement la représentativité des propos qui y sont tenus puisque les témoins, en se dévoilant auprès d'une sociologue française, se placent eux-mêmes dans une posture différente de celle du vulgum pecus. Charge au lecteur, seul, de faire la part entre ce qui relève de comportements marginaux et ce qui constitue un trait véritablement inhérent à la société japonaise. Pour autant, ce qui relèverait d'une certaine marginalité représente également une source d'informations, tant il est vrai que des phénomènes même minoritaires peuvent en dire long sur la société qui les héberge. En conséquence, en dépit de son âge, Homo Japonicus représente un ouvrage incontournable pour tout passionné souhaitant en apprendre d'avantage sur le Japon contemporain et les Japonais.


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Homo Japonicus, par Muriel Jolivet (Ed. Picquier) - 650 pages

vendredi 3 février 2012

Freeter, Ie o Kau.

J'avais lu quelques écrits sur le phénomène nippon des "freeters", ces jeunes actifs refusant, parfois temporairement seulement, de s'inscrire dans le système professionnel régissant la vie de leurs pères et vivant ainsi de petits boulots suffisant à financer leurs centres d'intérêt. Curieux de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette situation, je me suis frotté les mains à l'idée de voir un drama sur ce sujet, dut-il avoir Ninomiya Kazunari en tête d'affiche. Pour ce qui est du phénomène "freeter", j'en fus en bonne partie, pour mes frais. Mais dans le même temps, ce drama a abordé quelques sujets suffisamment intéressants pour poursuivre cette série jusqu'à son terme.


Take Seiji, frais émoulu de l'université, ne cache pas son incrédulité devant un certain nombre de règles implicites de la vie en entreprise au Japon, que ce soit la déférence obséquieuse envers la hiérarchie, les étranges séances de "team building", ou les interminables pots de fin de journée. Au bout de trois petits mois, il démissionne donc mais ne parvient pas à retrouver un travail stable et doit donc se contenter de petits boulots. En conflit ouvert avec un père autoritaire et méprisant, Seiji traîne son spleen en laissant sa mère pourvoir à ses besoins, jusqu'à ce que celle-ci ne se trouve plus en état de le faire, le plaçant ainsi dans l'obligation de réagir. Après quelques essais malheureux, il se retrouve sur un chantier autoroutier à transporter des brouettes de cailloux ou étaler du bitume fumant et y fait la rencontre d'une jeune femme aussi déterminée que lui-même est indécis, sans idée ni ambition.

Ce bref résumé ouvre déjà la porte aux reproches puisqu'il présente un personnage qui fait partie des "freeters" les moins critiques de la société nippone, id est ceux qui n'ont pas choisi leur statut. Seiji vit peut-être en "parasite" - le terme n'est pas de moi mais des sociologues japonais - chez ses parents sans s'en sentir vraiment gêné, mais cette situation n'est pas un choix délibéré. La meilleure preuve en est le temps passé à l'agence pour l'emploi afin de trouver un travail fixe à temps plein dans une entreprise de renom et, dans le même temps, son absence totale d'implication et de sérieux dans ses petits boulots successifs. Seiji est persuadé de valoir mieux que les petites tâches qui lui sont confiées et qu'il finira donc inévitablement par retrouver un emploi à sa mesure. Si les premières minutes de la série pouvaient laisser espérer une critique du système professionnel japonais, celle-ci se trouve vite effacée pour se contenter de faire de Seiji un fainéant n'ayant finalement pas volé sa situation. Autant donc pour le phénomène des "freeters" et la responsabilité du système quant à son éclosion et son fort développement, sachant qu'on en compterait aujourd'hui pas loin de 10 millions! La production aurait-elle craint de s'aliéner ses sponsors?...


Ainsi, Freeter, Ie o Kau, en dépit de son titre, ne parle pas réellement des "freeters", mais préfère se pencher sur le difficile apprentissage de l'âge adulte par Seiji et les relations au sein de la cellule familiale. Le premier point faisant osciller le téléspectateur entre sentiment de déjà-vu et légère irritation devant le sempiternel triptyque "faute personnelle / intégration au collectif / gambarimasu", on se penchera de préférence sur le second. Pour ce faire, il me faut passer en revue les différents protagonistes, en espérant qu'on me pardonnera ce procédé façon listing.
Le père, Take Seiichi, m'a beaucoup intéressé. Maître de maison tyrannique, il traite sa femme comme une servante et, puisqu'elle est la seule responsable de la maison en l'absence du mari, occupé à gagner l'argent du foyer, il lui reproche la conduite de son fils. Il peut d'autant moins faire preuve de compréhension vis-à-vis de celui-ci que le refus de Seiji s'apparente à une critique du système professionnel auquel lui-même a consacré toute sa vie, mais est également ressenti comme une terrible ingratitude envers des parents qui se sont évertués à l'élever pour en faire un bon petit Japonais. Du fait de la répartition radicale, mais habituelle, des tâches entre un mari et sa femme, ce père de famille se trouve bien incapable de trouver quelle attitude adopter face aux difficultés à venir de son ménage. En vérité, sans trop en dévoiler, on découvre que le père vit également une situation professionnelle difficile et forcément traumatique eu égard à l'investissement de toute une vie au service de l'entreprise qui l'emploie. Ces éléments mis ensemble font de ce père, un personnage beaucoup moins caricatural que son comportement despotique laisse à croire au début de la série. Dans le même temps, sa fierté, mais également son absence du foyer, le rendent illisible pour ses propres enfants, créant un mur d'incompréhension au sein de la famille.
La mère, Take Sumiko, se trouvera, par la force des choses, limitée dans son rôle de femme au foyer typique, mais les évènements liés à ce personnage s'expriment d'eux-mêmes pour dévoiler la situation déplorable dans laquelle peuvent se retrouver ces femmes abandonnées à elles-mêmes. L'absence d'un mari qui se consacre pleinement à son emploi, l'oblige à porter seule le poids du foyer dans toutes ses facettes: éducation des enfants, tenue de la maison, voisinage...
La situation de la fille aînée, mariée au directeur d'une clinique, mère d'un petit garçon et tyrannisée par une belle-mère décidée à prendre en charge la formation de l'héritier du nom, est également intéressante. Les choix qu'elle doit faire pour l'éducation de son enfant trouvent un écho très bien vu dans la relation de la voisine des Take avec son propre fils, jeune avocat brillant mais peu charitable avec ses congénères humains et franchement vindicatif envers sa génitrice.


Ces quelques personnages, les situations auxquelles ils se trouvent confrontés, et ce qu'ils disent ainsi de la société japonaise, constituent le réel point d'intérêt de Freeter, Ie o Kau. Le reste des intervenants, le scénario, l'histoire de l'héroïne, etc. n'offrent rien de bien original et je ne m'y attarderai donc pas sinon pour dire que l'ensemble du casting a joué fort honnêtement son rôle, Nino compris. Je dois avouer, pour l'anecdote, que j'ai quand même supplié le ciel à chaque épisode de m'épargner la vision d'un baiser entre la superbe Karina et le nain. Je laisse à chacun le soin dé vérifier si la prière constitue une ressource efficace dans ce genre de situation.


Que dire pour conclure sur cette série? Comme je pense l'avoir expliqué, Freeter, Ie o Kau ne manque pas d'intérêt par l'éclairage qu'il offre sur la cellule familiale japonaise et les conséquences du modèle social japonais sur celle-ci. Pour autant, j'ai été quelque peu déçu de ne pas voir le drama aborder pleinement la problématique des "freeters" sinon pour en faire des adulescents en crise de croissance. Par ailleurs, aussi bien l'histoire de l’héroïne que les leçons de vie généreusement dispensées à Seiji sur son chantier m'ont plutôt fait bailler tant elles sentent le réchauffé. Tout cela est bien mignon et moralisateur comme il faut et je dois avouer que je sature un peu s'agissant de ces lieux communs. En conséquence de quoi, la note finale sera sans doute un peu dure, mais témoigne d'une déception à la hauteur de mon attente pour un grand drama de société, ce que Freeter, Ie o Kau échoue à être.


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6/10 : That wasn’t too bad, I guess. But never worth a rewatch.



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