samedi 16 juin 2012

Nihon e yokoso (VII)

Aussitôt levés, aussitôt repartis. Si Ise est la capitale du shintoïsme, Nara est à coup sur celle du bouddhisme nippon. Il y a donc beaucoup à voir, mais avec l'avantage qu'une grande partie des sites historiques sont intégrés au sein d'un même grand parc dont les arbres nous offrirons une ombre rafraîchissante. En effet, après les seaux d'eau des premiers jours, le soleil brille fort dans un ciel joliment bleuté. Une des particularités de Nara, c'est la présence de milliers de daims déambulant en toute liberté au milieu des routes et des habitants. Absolument pas impressionnés par le flux des touristes, ils attendent d'ailleurs que ceux-ci leur offrent les galettes de riz faites spécialement pour eux et vendues par des marchands ambulants. Même si quelques panneaux préviennent de rester prudents avec ces animaux non-domestiqués, les daims sont si paisibles qu'on peut les caresser et toucher leurs bois sans qu'ils ne daignent même vous jeter un regard. Du moins, tel est le cas pour l'immense majorité de ces animaux, mais nous ne le découvrirons qu'après avoir passé la harde qui se tient à l'entrée du parc. Fini de rire! Car ici se dresse le territoire des "furyo shika", une dizaine de daims défoncés aux sembe qui se pressent en rangs serrés sur les visiteurs du jour! Malheur à celui qui ne distribue pas assez vite ses galettes de riz! Pour avoir versé trop lentement mon tribut à la horde de museaux braqués sur moi, l'un d'eux m'a... mordu les fesses!


 
 


C'est donc en frottant mon postérieur légèrement meurtri que je découvre le Tōdai-ji, sanctuaire où se dresse la plus grande statue en bronze du monde du Bouddha, le Daibutsu, elle-même abritée par la plus grande structure en bois de la planète. Je suis naturellement frappé d'un sentiment d'humilité devant la majesté des lieux et la présence imposante (15m de haut pour 500T) du Bouddha, entouré de diverses divinités bouddhiques dont les gardiens Komukuten et Bishamonten, qui remplacent ici les habituels Raijin et Fujin du panthéon shintoïste. Plus terrifiant encore, nous faisons la connaissance de Sentokun, la mascotte flippante de Nara, mélange frankenstanien d'un bonze et d'un daim.





 

Nous poussons plus loin dans le parc et, sous le couvert des arbres, nous suivons le chemin des 3000 lanternes de pierre qui nous amène vers le seul grand temple shinto de la ville, le Kasuga-taisha. Continuant notre balade, nous passons devant d'autres temples échoués dans la verdure, dont l'un semble définitivement attirer les couples, si on en croit la forme et la quantité de petites plaques de bois où sont inscrits leurs vœux.

 

 





Sortant du parc, nous déambulons dans un dédale de petites rues proprettes bordées de maisons et de jardins au style typiquement nippon. On trouve toujours au bord des propriétés des petits objets décoratifs de toute sorte. Nous faisons un crochet par un temple abritant, sous une architecture d'une grande simplicité, les statues des douze généraux divins (qu'on retrouve dans les douze signes du zodiaque chinois). Marchant de nouveau dans ce quartier résidentiel, je suis gagné par la quiétude des lieux, du moins jusqu'à ce que des "keeki! keeki!" s'échappent des lèvres de ces dames alors que nous passons devant un salon de thé dévoilant en vitrine de bien appétissantes pâtisseries. Je dois reconnaître que les artisans japonais ont le don pour proposer des pâtisseries légères, peu sucrées et délicieuses.






 


En route maintenant pour le Kofuku-ji, où se trouve une galerie abritant un nombre important de trésors nationaux. Naturellement, il est interdit d'en prendre des photos, aussi ne puis-je qu'évoquer en quelques mots le respect admiratif éprouvé devant les antiques Devas, le terrible Ashura ou encore la Kannon aux mille bras.


C'est fou tout ce qu'il y a à voir à Nara! Vite, vite, nous précipitons à la gare pour nous diriger de l'autre côté de la ville et visiter le Horyu-ji, où se trouve une pagode réputé pour être l'un des plus vieux édifices en bois de l'histoire de l'humanité. C'est d'ailleurs difficile à croire tant les lieux sont parfaitement entretenus. Par ailleurs, comme déjà souligné, les Japonais n'hésitent pas à reconstruire à l'identique des bâtiments historiques endommagés - le sanctuaire tout entier semble d'ailleurs en ce moment en pleine reconstruction - et il devient difficile de savoir quels bâtiments sont d'époque et lesquels sont des imitations. Que faut-il en penser? Je laisse ici chacun libre de juger. Sur le moment, je n'ai d'ailleurs guère le loisir de réfléchir à la question, ni d'ailleurs de prendre trop de clichés, car le temps nous manque! C'est finalement au pas de course que nous quittons Nara pour Kyoto!


 
 
 

Ces dames sont en effet attendues pour une séance de relooking total. La salle d'attente bruisse des voix excitées de Japonaises de 20 à 30 ans venues revêtir le temps d'une séance photo le costume des maiko, les apprenties geisha de Kyoto. S'agissant de photos privées, je ne les posterai évidemment pas, mais j'évoquerai cette anecdote. Après une bonne heure d'attente, mon ami japonais et moi sommes invités à retrouver nos chères et tendres respectives pour la séance photo. Suivant docilement mon comparse, je le vois s'adresser à une maiko, certainement pour lui demander l'emplacement de  la pièce où nous sommes attendus. Je fouille les environs du regard à la recherche d'un visage connu. Mon ami doit se rendre compte de quelque-chose. Il m'indique la maiko avec laquelle il discute: "C'est ma femme". J'en reste comme deux ronds de flan. Dans la seconde qui suit, une autre maiko sort d'une pièce adjacente. Je m'efface et la laisse passer. J'observe qu'elle me regarde d'un air insistant. En voici une qui a drôlement fait débrider ses yeux. Hey!... mais...!! Fardées de blanc, habillées de somptueux kimonos, ces dames me furent bel et bien méconnaissables au premier regard.

Tout ce joli monde ayant repris la tenue civile, vient le moment de la séparation. Nos amis doivent regagner leurs pénates car la Golden Week s'achève. Séparation temporaire certes, puisque nous devons les retrouver à Tokyo pour les derniers jours de notre séjour, mais séparation un peu émouvante quand même après cette semaine intense de découvertes, d'échanges et de rires partagés. Sans eux, nous n'aurions jamais pu réaliser un séjour aussi riche et notre reconnaissance est la hauteur de l'immense plaisir qu'ils nous ont offert. Maintenant, nous voici seuls: deux occidentaux lâchés au cœur du Japon. Hauts les cœurs!

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