dimanche 18 décembre 2011

Bijo ka Yajuu

Tout un chacun sait que les chaînes de télévision surveillent très attentivement leurs audiences, mesures du succès de leurs programmes et, par conséquent, déterminantes pour leurs recettes. La série Bijo ka Yajuu entreprend d'étudier les conséquences de ce qu'on appelle communément le diktat de l'audimat et propose ainsi une comédie intelligente et légère se déroulant dans les coulisses d'un journal télévisé. En l'espèce, le thème du drama faisait écho à l'une des raisons m'ayant fait choisir cette série, id est son taux d'audience.

Bien évidemment, les scores fort honorables obtenus par cette série ne furent pas les seuls en cause, puisqu'il comptait également mon vif intérêt à retrouver à l'écran les très populaires Matsushima Nanako et Fukuyama Masaharu. Il fallait bien ces deux acteurs pour me faire tenir devant les premiers épisodes, non pas que le fond soit mauvais, mais j'avais hélas hérité d'une version de très mauvaise qualité, allant fort heureusement en s'arrangeant à compter du quatrième opus. Passé ce défaut, Bijo ka Yajuu ne manque pas d'intérêt, chacun de ses épisodes se portant sur l'une des problématiques soumises aux media et à ceux qui y travaillent. On voit ainsi ces reporters et producteurs confrontés à des choix plaçant sur la sellette leur sens moral au regard de leurs obligations professionnelles. Certes, s'agissant d'une comédie, le traitement s'avère souvent un peu simpliste, mais le questionnement a le mérite d'exister et d'être pertinent. Jusqu'où peut-on aller pour obtenir un scoop? Confronté directement à un fait divers susceptible de faire la Une, le devoir du journaliste est-il de témoigner des faits se déroulant sous ses yeux ou d'intervenir pour secourir son prochain? Que faire lorsque lorsque le sujet d'un reportage ne s’appesantit plus sur un inconnu mais pointe ses proches ou ses amis? La déontologie du métier de journaliste doit-elle s'effacer devant l'intérêt supérieur de son employeur? Au-delà même de cet échantillon de questions posées aux valeurs morales et humaines des personnages, Bijo ka Yajuu met le doigt sur une interrogation essentielle pour les acteurs du journalisme d'information: faut-il donner au téléspectateur l'information qu'il souhaite recevoir ou celle dont il devrait prendre connaissance en tant que citoyen? Voilà une question ordinaire mais que les media se gardent habituellement d'exposer sur la place publique... à croire qu'ils craignent de reconnaître qu'elle a été tranchée dans un sens qui ferait se retourner Albert Londres dans sa tombe marine.

L'une de ces positions est incarnée par Takamiya (Matsushima Nanako), alors qu'une posture intermédiaire est dévolue à Nagase (Fukuyama Masaharu). De façon assez réaliste, celle du journaliste pur et dur, insensible aux discours autres que celui de son devoir, ne trouve pas réellement d'incarnation dans cette série. Takamiya a été embauchée à un salaire indécent pour redresser le journal du soir et lui faire regagner une audience tombée dans les tréfonds de l'audimat. En vue de la réalisation de cet objectif, la nouvelle venue entend produire un journal qui répond aux attentes de téléspectateurs dont les goûts ont été soigneusement disséqués: présentateur dynamique, sujets de la vie courante, faits divers, etc. Issue d'un excellent milieu et passée par les meilleures écoles, elle souhaite au passage secouer les habitudes d'une équipe qui semble par moments aussi amorphe qu'incapable. Arrivé dans le même temps dans cette rédaction, Nagase a été transféré du département variétés où sa principale préoccupation consistait à créer des programmes destinés à distraire le Japonais moyen, une part non-négligeable dudit divertissement ayant apparemment un rapport avec des jeunes femmes en bikini. Loin des enjeux confiés à sa nouvelle patronne, il s'intéresse avant tout à la réalisation de programmes de qualité en faisant confiance à ses collègues pour lui fournir un contenu pertinent. Peu lui importe qu'il s'agisse de dénoncer la corruption ou de donner aux téléspectateurs les meilleures adresses de restaurants de ramen, l'essentiel étant de trouver du plaisir dans son travail. Considérant ses collègues comme une sorte de grande famille, il s'efforce de valoriser leur travail en toute circonstance. Naturellement, les heurts entre sa patronne et lui ne manquent pas mais, pour autant, ils semblent assez rapidement trouver un terrain d'entente... pour démontrer que les valeurs qu'on est en droit d'espérer du journalisme peuvent se concilier avec les enjeux de l'audimat?

Disons-le tout net, Matsushima Nanako est parfaite dans son rôle! D'une classe et d'une élégance rares, la vivacité de son intelligence, sa détermination tout autant que sa faculté à garder la tête froide, font de Takamiya un personnage criant de vérité. Fukuyama Masaharu incarne pour sa part un homme détendu, sympa et charismatique, autrement dit un rôle d'autant plus facile pour lui qu'il s'avère être d'ores et déjà son habituel fond de commerce, faisant de lui l'un des hommes les plus populaires du Japon. Bien évidemment, on se laisse entraîner à son petit jeu et Nagase devient vite un personnage qu'on a plaisir à retrouver. Parfois, il semble forcer un peu le trait, mais comme on ne sait si c'est l'acteur ou le rôle qui en est le responsable, on ne peut réellement lui en tenir rigueur. La télévision nippone ne sachant se priver d'en distiller une dans ses séries, surtout avec un tel couple à l'écran, oui, il y a bel et bien une romance entre Takamiya et Nagase. Ni très crédible, ni très poussée, elle se contente d'épicer très légèrement leurs relations.

Ce duo très charismatique se trouve soutenu par une galerie de seconds rôles qui s'adaptent au déroulé de la série pour offrir, au choix, des instants graves et appelant la compassion, ou des moments légers et burlesques. Parmi eux, on retrouve avec plaisir des figures aussi connues que Watanabe Ikkei (Liar Game, Galileo...), Sasaki Kuranosuke (M no Higeki, Saitou-san, Zettai Kareshi...), Nagai Masaru (Yankee Bokou ni Kaeru, Suna no Utsuwa, At Home Dad, Buzzer Beat, Facemaker...) et même la charmante Shiraishi Miho (Orange Days, Densha Otoko, Shiroi Haru...) dont ce semble être la première apparition au petit écran. Tout ce beau monde vit, s'agite, partage ses angoisses, en bref, crée une belle ambiance et donne corps à l'univers dans lequel se déroule Bijo ka Yajuu.

On pouvait s'en douter, si la série pose de bonnes questions, elle s'attache également à rehausser le prestige d'une profession qui prête le flanc à beaucoup de critiques et des plus justifiées. Qu'on se rassure, la morale est sauve! Le devoir de vérité du journalisme sera récompensé et l'emportera sur les basses contingences matérielles liées à l'audimat. Facile, sans doute, mais on ne pouvait attendre du diffuseur de cette série qu'il se tirât une balle dans le pied. Cela n'affecte cependant pas outre mesure l'intérêt des problématiques soulevées par le série. Celles-ci, ajoutées au casting évoqué plus haut, font de Bijo ka Yajuu un drama qui, pour le coup, mérite certainement son audience.


---
 



7/10 : At least worth checking out.


The complete details about Bijo ka Yajuu on drama-wiki
Bijo ka Yajuu with English subs

2 commentaires:

Katzina a dit…

Si je connaissais évidemment les deux acteurs principaux de ce drama (Matsushima Nanako est excellente dans Kaseifu no Mita qui se termine cette semaine au Japon), mon radar à drama n'avait pas encore repéré celui-ci ! Vu le beau monde qu'il y a aussi pour les seconds rôles et les thématiques abordées, je me vois dans l'obligation d'ajouter ce drama à ma liste !
Merci pour cette nouvelle découverte :)

Asa a dit…

J'apprécie aussi de retrouver d'un drama à l'autre des visages connus pour les seconds rôles. Une sorte de fil rouge qualitatif.
Il faut aussi avouer que les deux têtes de gondole de cette série redonnent du sens au mot "charisme". Si tu y es aussi sensible que moi, je suis certain que tu passeras outre la qualité des épisodes (sur la forme) et que tu profiteras de cette bonne série!