samedi 3 mars 2012

FORWARD - The Long Road to Healing : Living with Unseen Scars

Depuis bientôt un an, je rédige des critiques des programmes diffusés sur jibtv.com, une émanation regardable en webtv de NHK World, la chaîne d'information internationale de la NHK. Il s'agit pour les promoteurs de cette chaîne anglophone d'obtenir un retour sur la perception de leurs programmes par leur audience étrangère. Naturellement, au travers desdits programmes, on n'évite pas un certain effet de propagande pour le Japon et sa culture, même si le terme est sans doute un peu fort. Tout en gardant ce fait dans un coin de l'esprit, ce travail hebdomadaire constitue pour moi une opportunité d'en découvrir toujours davantage sur le Japon et de suivre son actualité, notamment suite à la catastrophe du 11 mars 2011. Sur ce sujet, à partir de la mi-année 2011, la chaîne avait entamé la diffusion d'une série de documentaires, intitulée "Standing Up, Moving Forward", s'attardant sur le destin d'un certain nombre de victimes du tremblement de terre et du tsunami. L'expérience fut une réussite, au point que jibtv.com propose à l'heure actuelle une suite, intitulée sobrement "FORWARD", découpée en épisodes de 25min, et qui me semble tout à fait recommandable. Qu'on se rassure, je ne touche aucun dividende quant à la publicité que je pourrais faire pour cette chaîne, mais il m'a simplement semblé intéressant de partager sur ce blog un rapide compte-rendu de certaines des émissions que je suis amené à regarder, à commencer donc par "FORWARD".

Dans le documentaire "The Long Road to Healing : Living with Unseen Scars", j'ai été favorablement impressionné par l'angle privilégié par la production, afin de revenir sur les blessures psychologiques endurées par les victimes. Les télévisions nous ont en effet abreuvé d'images sur les spectaculaires dégâts matériels subis par le Japon, mais exposer subtilement ce qui se cache au fond des cœurs est naturellement bien moins visuel. Découpé en trois courts reportages, l'émission a tenté de montrer la diversité des traumatismes subis.

On rencontre d'abord un jeune garçon, habité par des pensées mortifères après avoir vu des personnes emportées par le tsunami sous ses yeux. La caméra évite le misérabilisme pour tenter de regarder d'un œil clinique les conséquences de la catastrophe pour de jeunes esprits, et pas seulement puisqu'elle dévoile également la difficulté pour une mère de vivre depuis des mois avec un fils devenu agité, lunatique, insomniaque. Le reportage rappelle ainsi qu'au-delà des victimes recensées, coexistent un nombre très important de victimes collatérales, en premier lieu les familles qui doivent gérer les conséquences psychologiques de la catastrophe sur leurs proches.

Le deuxième reportage m'a surpris puisque, en dépit de sa volonté d'être la jolie vitrine du Japon, la chaîne n'a pas hésité à s'attarder sur le cas d'un homme âgé gagné par l'alcoolisme et conséquemment menacé d'une déchéance morale et sociale. Les victimes ne sont ni des saints, ni des héros, mais des personnes ordinaires confrontées à un bouleversement dramatique de leur vie dont toutes ne savent pas comment se relever. La caméra suit ainsi les membres d'une ONG qui ne manquent pas d'expliquer que l'hébergement dans une maison temporaire ne peut suffire à combler le besoin de soutien et d'aide à long terme pour des personnes profondément affectées. Le vieillard réfugié dans l'alcool ne subit aucun jugement: de quel droit en serait-il autrement? Isolé, cet homme au crépuscule de sa vie a vu la maison dans laquelle il est né et où il entendait finir ses jours n'être plus d'un monceau de gravats. Avec elle, ce sont ses repères, le cadre dans lequel il vivait sa retraite, qui ont disparu. Que lui reste-il? Qui sommes-nous pour le juger?

La même question est tout aussi valable dans le cadre du troisième reportage, portant sur une femme âgée ayant vu sous ses yeux son mari emporté par les flots. Après des décennies de vie commune, cette femme se retrouve seule, isolée également, au point qu'elle imagine parfois sentir la présence bien réelle de son défunt mari. La psychologue de l'ONG qui lui rend périodiquement visite exprime un point de vue qui m'a semblé tout à fait pertinent. Dans la société japonaise du "Gambatte", celle-ci souligne que, plus que d'être secouées ou encouragées, les victimes ont avant tout besoin de s'exprimer, de mettre des mots sur leurs sentiments et leurs peines et d'être écoutées. Pour soutenir ces personnes âgées, le véritable combat des bénévoles se trouve ainsi être mené contre la solitude et l'isolement qui brisent les esprits et détruit le lien social. Voilà qui méritait d'être souligné!

Sur la forme, l'émission fait le choix pertinent d'utiliser les sous-titres plutôt que les doublages, les voix originales étant le meilleur des véhicules pour l'expression et la compréhension des sentiments humains. Malgré la tonalité naturellement affectée de l'émission, celle-ci a le bon goût d'être touchante sans jamais céder au voyeurisme, ce qui ne représente pas le moindre des écueils lorsqu'il s'agit de filmer la souffrance d'autrui. Au final, cette émission s'avéra intéressante, non seulement par son angle d'approche sur les suites de la catastrophe du Tohoku, mais également en souhaitant démontrer que, dans une société qui semble culturellement peu à l'écoute des victimes, la prise en compte des souffrances psychologiques est une réalité aussi bien qu'un devoir.


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1 commentaire:

Katzina a dit…

Je connaissais NHK Worls, j'avais regardé une ou deux fois la chaîne sur Free (j'allume tellement peu ma télé que je sais même pas si elle est toujours dispo !), mais j'ignorai complètement l'existence de jibtv.com et de ces reportages.
Merci beaucoup pour cette découverte hautement intéressante ! ^^