Après des incursions heureuses dans des dramas vieux de quelques années, je me suis décidé à tenter de regarder l'un des grands classiques de la télévision nippone des années 90, Hoshi no Kinka. Je dois avouer que j'en éprouve aujourd'hui des sentiments confus et contradictoires qu'il me faut coucher par écrit pour mieux les analyser.
Pour faire le tri dans ce fatras, tâchons de procéder par ordre. D'abord en dévoilant un synopsis qui permet de se préparer au ton excessivement romantique de la série. Officiant volontairement dans un petit dispensaire perdu en pleine campagne, le docteur Nagai Shuichi, fils du directeur d'un prestigieux hôpital tokyoïte, doit retourner passer quelques jours à la capitale. Il promet d'épouser Aya, son aide soignante, à son retour. Suite à un accident survenu à son arrivée, Shuichi perd la mémoire, oublie sa fiancée et retombe aux mains de son ambitieuse famille. Aya, en dépit du handicap lié à sa surdité, s'envole à son tour pour Tokyo, tenter de retrouver son amour disparu. Le décor étant planté, ne reste plus qu'à y laisser jouer les protagonistes de ce mélodrame.
Un mot cependant avant de s'intéresser aux personnages. Ce qui frappe immédiatement en regardant Hoshi no Kinka, c'est son âge, tant par la qualité de l'image que par sa mise en scène, sa bande sonore et ses horribles bruitages dignes des sentais du début des années 80. Il m'a fallu un petit temps d'adaptation avant de pouvoir passer outre cet aspect obsolète, cette impression en fait de voir une vieille pièce de théâtre filmée plutôt qu'une série télévisée. Les acteurs eux-mêmes, car il est temps d'y venir, semblent jouer avec toutes ces exagérations qui permettent au public du dernier rang de saisir toute la tension s'exprimant sur les planches. Plus que des personnages, il m'a semblé que chaque acteur tentait ainsi d'incarner par son jeu une idée, une émotion, un concept. J'en veux pour exemple, les rôles secondaires: le docteur Komori (Ibu Masato) est l'image vivante de la fourberie, le docteur Koizumi (Tanaka Minato) celui de l'arrivisme, l'infirmière Sonoko (Nishimura Tomomi) est un modèle d'ingénuité, etc.
Qu'en est-il des têtes d'affiche? Sakai Norito interprète superbement le rôle d'Aya, cette jeune femme sourde, à la recherche de son fiancé évanoui dans la gigantesque Tokyo. A vrai dire, et malgré quelques preuves de caractère, Aya n'est rien moins qu'un ange descendu du ciel pour apaiser les âmes en peine. Elle est l'agneau qui offre sa nuque au boucher, la martyre qui se sacrifie pour le bonheur des autres, l'icône qui raffermit les cœurs déchirés par le doute. Au nombre de ceux-ci, se trouve l'impulsif Nagai Takumi (Takenouchi Yutaka), le jeune demi-frère de Shuichi. Etouffé par l'amour de sa mère, cherchant désespérément l'approbation d'un père méprisant, soumis à une constante comparaison avec le génie de son frère, Takumi est un être en perdition. Tantôt violent et cynique, tantôt brisé par des larmes de chagrin, son mal de vivre le pousse à s'auto-détruire en s'essayant aux pires excès. Son immaturité en fait le négatif naturel d'un Shuichi (Osawa Takao) adulte, intelligent, pondéré voire, par contraste, un peu fade. Du moins de mon point de vue, car ce personnage semble avoir été créé pour incarner le parfait homme de devoir à la japonaise. Cela va sans dire, nous aurons bien droit ici au très habituel triangle amoureux.
Au-delà du jeu des acteurs et du trio de stars que je viens d'évoquer, j'ai été frappé du rôle prépondérant joué par les femmes dans ce drama. Aya, certes, puisqu'elle se trouve au cœur de l'histoire, mais à vrai dire chaque actrice joue sa propre partition et ce sont bien elles qui font vivre cette série. Ce sont la revanche du docteur Koizumi, les indiscrétions de Sonoko, l'arrivisme de Michiyo, la folie d'Ayumi, les machinations de Shoko qui font avancer l'histoire. Paradoxalement, la vision de la femme qui ressort de Hoshi no Kinka m'est apparue parfois terriblement sexiste et j'en donnerai pour preuve, parmi d'autres, le couple formé par Shoko et Shuichi. Ce dernier se fera ainsi durement morigéner de ne pas s'inquiéter suffisamment du droit au bonheur de sa partenaire, alors même que les arguments qui lui sont servis seraient tout aussi valables pour défendre le sien! Apparemment, si la priorité de la femme est le bonheur, celui de l'homme est le devoir. Je ne peux pas dire que je découvre cette répartition passéiste du rôle des genres, mais j'en reste surpris à chaque fois. Et puisque je parle du loup, je ferai également un dernier commentaire sur un des personnages féminins, en l'occurrence celui de Shoko (Hosokawa Naomi). De ma compréhension de la culture nippone, il me semble que les Japonais, loin du manichéisme occidental et chrétien, éprouvent un certain respect pour les personnes qui choisissent une voie et s'y engouffrent totalement quel qu'en soit le prix. Ceci expliquerait qu'ils ne soient pas choqués par la schizophrénie de cette oie blanche capable d'éprouver à la fois les joies les plus ingénues et d'accomplir les manœuvres les plus sordides et les plus lâches pour parvenir à ses fins. Le fait de prétendre aimer donne-t-il tous les droits? En ce qui me concerne, quelles que puissent être ses excuses, j'ai trouvé ce personnage parfaitement répugnant.
Ce sentiment illustre l’ambiguïté de mon état d'esprit quant à cette série. Je pourrais dire que je n'ai pas aimé ce drama, aussi bien sur la forme, partagée entre une réalisation digne des feuilletons américains des années 80-90 qui faisaient la joie de nos grands mères et un jeu d'acteurs de théâtre, que s'agissant d'un scénario qui n'est pas en reste pour abuser de grands poncifs mélodramatiques. Dans le même temps, sur un plan culturel et intellectuel, la longueur de cette chronique démontre par elle-même que j'y ai trouvé un intérêt certain. Ce drama de 1995 me semble en effet le reflet d'une certaine société japonaise, plus traditionnelle sur la forme et plus conservatrice sur le fond. Par incidence, cette série m'a rappelé à quel point mon intérêt pour le Japon et mon attrait pour certaines de ses valeurs ne m'empêchent pas de rester un Occidental et d'être en profond désaccord avec certaines autres. Je ne regarderai probablement pas la seconde saison, parue l'année suivante, mais, selon les attentes de chacun, je pourrais certainement recommander Hoshi no Kinka, un drama qui, en tout état de cause, ne laisse pas indifférent.
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7/10 : At least worth checking out.
The complete details about Hoshi no Kinka on drama-wiki
Hoshi no Kinka with English subs
2 commentaires:
Tu as vraiment un don pour attirer la curiosité même quand tu émets quelques réserves sur un drama !
En effet, on voit bien avec tes captures d'écran que ce drama date (magnifique brushing pour Osawa Takao ^^), mais il est toujours intéressant d'aller voir ce qui se faisait dans la deuxième partie des années 90 ou le début des années 2000.
J'ai parfois peur d'être rébarbatif donc ton message est un soulagement. Merci!
J'aime beaucoup les dramas des années 2000 que j'ai regardés, alors que ceux des 90's font parfois franchement vieillots. Pourtant, je continuerai d'en regarder de temps en temps pour ce qu'ils me font découvrir du Japon. On est passionné ou on ne l'est pas :)
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